La méthode de la survaleur (Goodwill) dans l’évaluation des entreprises et fonds de commerce (2025)📞 Besoin d’aide ? Contactez-nous au : 01.76.54.16.42 ☎️

Sommaire :
• Définition de la survaleur (Goodwill)
• Principe de valorisation par la survaleur (écart entre marché et actif net)
• Goodwill comptable vs survaleur économique (transactionnelle)
• Pertinence de la méthode : quand utiliser la survaleur ?
• Calcul du goodwill dans une évaluation
o Exemples concrets de calcul de survaleur
• Pratiques récentes en France (2024-2025)
• Focus sur le marché parisien et l’Île-de-France
Définition de la survaleur (Goodwill)
La survaleur – appelée aussi goodwill ou écart d’acquisition – est la valeur immatérielle supplémentaire d’une entreprise par rapport à la valeur de ses actifs nets tangibles. En termes simples, il s’agit de la différence positive entre la valeur marchande d’une entreprise et la valeur de son actif net comptable (capitaux propres ajustés) . Autrement dit, c’est le supplément de valeur que l’entreprise a acquis grâce à des éléments intangibles (réputation, clientèle, marque, etc.) au-delà de ses actifs identifiables.
Lorsqu’une entreprise est rachetée, cette survaleur correspond à l’excédent du prix payé sur la juste valeur des actifs nets acquis . Ce surplus de valeur est considéré comme valorisant des avantages économiques futurs attendus – par exemple des synergies, une notoriété établie ou une base de clients fidèles, que l’acquéreur espère tirer de l’entreprise rachetée. En cas de différence négative (rachat à un prix inférieur aux actifs nets), on parle de badwill (ou mauvaise survaleur), signe d’une décote sur la valeur patrimoniale de l’entreprise.
La survaleur est intimement liée à la notion de fonds de commerce classique. Elle incarne la valeur de l’ensemble des éléments incorporels qui contribuent à la rentabilité de l’entreprise. Il peut s’agir de la réputation de la société, de la fidélité de sa clientèle, du savoir-faire de ses équipes, de la qualité de son réseau de distribution, etc. . Par exemple, un nom commercial prestigieux, une équipe expérimentée ou un emplacement géographique numéro un vont générer une valeur additionnelle non comptabilisée dans les actifs physiques de l’entreprise.
En résumé, le goodwill représente l’actif immatériel que l’on achète en plus des actifs tangibles lorsqu’on acquiert une société. C’est un indicateur stratégique lors des opérations de cession ou d’investissement, car il reflète la valeur des atouts invisibles de l’entreprise. Cette survaleur « achète » en quelque sorte la capacité de l’entreprise à dégager des profits supérieurs à la normale grâce à ses avantages concurrentiels intangibles.
Principe de valorisation par la survaleur (écart entre marché et actif net)
La méthode de la survaleur (ou méthode du goodwill) consiste à évaluer l’entreprise en deux temps : d’abord sa base patrimoniale (actifs nets revalorisés), puis la survaleur venant s’y ajouter. Concrètement, la valorisation par la survaleur revient à mesurer l’écart entre la valeur de marché de l’entreprise et la valeur de son actif net réévalué. Cet écart correspond précisément à la valeur des éléments incorporels (goodwill) qui ne figurent pas dans le bilan comptable .
Le principe économique sous-jacent est le suivant : une entreprise déploie des moyens techniques et financiers (ses actifs corporels et son capital) pour générer de la rentabilité. Ces actifs tangibles devraient, en théorie, rapporter un certain rendement “normal” compte tenu de leur valeur économique. Si l’entreprise réalise une rentabilité supérieure à la rémunération “normale” de ses actifs tangibles, cela révèle l’existence d’un autre actif, immatériel, qui explique ce surplus de profit . Ce surplus de profit est ce qu’on appelle la rente de survaleurou superprofit. La méthode de la survaleur vise à capitaliser cette rente de superprofit pour en déduire la valeur des actifs incorporels.
En pratique, on commence par évaluer l’actif net réévalué de l’entreprise : il s’agit des capitaux propres comptables ajustés à la valeur du marché (on réévalue par exemple les actifs sous-estimés au bilan, comme un immeuble acquis il y a longtemps, etc.). Ensuite, on estime la valeur globale de l’entreprise sur le marché – par exemple via une méthode de rendement (actualisation des flux futurs, multiples d’EBITDA du secteur, etc.) ou par comparaison à des transactions similaires. La différence entre cette valeur de marché et l’actif net réévalué représente la survaleur. Mathématiquement :
\text{Goodwill} = \text{Valeur totale de l{\prime}entreprise} – \text{Actif net réévalué}.
Si cette différence est positive, elle correspond à un goodwill justifié par des éléments immatériels forts. Si au contraire la valeur de marché estimée de l’entreprise est inférieure à son actif net (différence négative), on se trouve en présence d’un badwill – ce qui peut traduire une perte de valeur pour cause de performances insuffisantes, d’image dégradée ou d’autres facteurs négatifs. Dans ce cas, un tel écart négatif suggère que la valeur patrimoniale doit être dépréciée en conséquence .
Illustration du principe : Imaginons une société dont l’actif net comptable est de 5 M€ mais qui possède une marque très réputée et une clientèle fidèle. Après réévaluation (par exemple, actualisation de la valeur d’un immeuble détenu, prise en compte d’éventuels passifs latents, etc.), l’actif net ressort à 6 M€. Si, sur la base des transactions comparables ou des flux futurs, on estime que le marché serait prêt à payer 8 M€ pour acquérir cette société, alors la survaleurest de 8 – 6 = 2 M€. Ces 2 M€ reflètent la valeur de la réputation, du réseau commercial et des autres atouts incorporels qui font le succès de l’entreprise et qui ne sont pas enregistrés dans les comptes.
Goodwill comptable vs survaleur économique (transactionnelle)
Il convient de distinguer le goodwill comptable du goodwill économique (ou survaleurtransactionnelle). Bien qu’ils recouvrent l’un et l’autre la notion de valeur immatérielle, ils s’emploient dans des contextes différents :
• Goodwill comptable (écart d’acquisition) : c’est un concept comptable et juridique, qui naît lors d’une acquisition ou d’une fusion. Lorsque qu’une société A rachète une société B plus cher que la valeur de ses actifs nets, A inscrit à son bilan un goodwillcorrespondant à cet écart positif. Ce goodwill apparaît comme une immobilisation incorporelle dans les comptes consolidés . Il représente le prix payé en plus des actifs identifiables, pour obtenir les avantages futurs espérés (synergies, accès au marché, etc.). En normes comptables internationales (IFRS 3), le goodwill comptable n’est pas amorti mais fait l’objet de tests de dépréciation annuels . En normes françaises, il peut être amorti sur sa durée d’utilité estimée (sauf si on applique IFRS en consolidation). Le goodwill comptable figure donc uniquement lorsque l’entreprise a fait l’objet d’une transaction (rachat, apport, fusion) ; il matérialise dans les livres l’existence de cette survaleur payée.
• Survaleur économique ou transactionnelle : c’est un concept d’évaluation plus général, présent même en l’absence de transaction. Il s’agit de la valeur immatérielle que le marché attribue à une entreprise à un instant T. Par exemple, un chef d’entreprise qui souhaite estimer la valeur de son affaire va évaluer la survaleur économique pour déterminer un prix de cession indicatif, même si aucune écriture comptable de goodwill n’interviendra tant que la vente n’est pas réalisée. La survaleur économique correspond donc à la prime que vendeur et acheteur négocient au-delà de la valeur des actifs nets, pour tenir compte de la clientèle, de la renommée, du potentiel… Elle est parfois appelée fonds commercial dans le langage courant lorsqu’on parle de cession d’un fonds de commerce.
En résumé, la différence clé est que le goodwill comptable est une conséquence d’une acquisition effective et se traduit par une écriture dans les comptes de l’acquéreur, tandis que la survaleur économique est une notion de valeur estimée utilisée pour négocier un prix ou évaluer une entreprise de manière théorique. On peut voir le goodwill comptable comme la trace historique de la survaleur payée lors d’un rachat, alors que la survaleur transactionnelle est une anticipation de ce qu’un acquéreur serait prêt à payer en plus de l’actif net. Dans les deux cas, si l’on découvre a posteriori que cette survaleur n’était pas justifiée (performance en deçà des attentes, perte de clientèle imprévue…), il y aura une dépréciation : en compta ce sera une dépréciation du goodwill inscrit, en économie ce sera une baisse de valorisation de l’entreprise sur le marché.
Enfin, notons que le goodwill comptable n’a pas vocation à représenter la totalité du “capital immatériel” de l’entreprise de manière détaillée – c’est plutôt un ajustement global pour rapprocher le bilan de la valeur de marché . De son côté, la survaleur économique peut être ventilée conceptuellement entre différentes composantes (valeur de la marque, valeur de la clientèle, etc.), mais il est souvent difficile d’en chiffrer précisément chaque part : on la considère donc comme un tout qui se mesure in fine par ce différentiel valeur de marché – actifs nets.
Pertinence de la méthode : quand utiliser la survaleur ?
La méthode de la survaleur est particulièrement pertinente pour valoriser des entreprises où la part des actifs incorporels est déterminante. En effet, plus une affaire doit son succès à des éléments intangibles difficiles à comptabiliser, plus l’écart entre sa valeur économique et sa valeur patrimoniale risque d’être élevé. Cette méthode sera donc privilégiée dans les cas suivants :
• Entreprises à forte notoriété ou image de marque : Une société bénéficiant d’une marque connue, d’une longue histoire ou d’une réputation d’excellence possède une survaleurimportante liée à cet actif immatériel de marque. Par exemple, une maison de luxe fondée depuis plus d’un siècle à Paris aura acquis un capital de confiance qui dépasse largement la valeur de ses seuls actifs physiques. La jurisprudence récente illustre ce phénomène : une marque mettant en avant une ancienneté de 300 ans confère un avantage concurrentiel et une survaleur aux yeux des consommateurs du fait du savoir-faire et de la qualité associée à cette longévité . Ce type de goodwill de marque est très recherché par les acquéreurs stratégiques.
• *Fonds de commerce avec une clientèle fidèle et récurrente : Dans le commerce de détail ou les services, une base de clientèle solide, régulière et attachée à l’enseigne constitue un atout majeur. Par exemple, un restaurant ou un magasin ayant une clientèle d’habitués depuis des années aura une survaleur significative – on parle souvent d’achalandage pour désigner la valeur de la clientèle locale. Cette survaleur représente la probabilité que les clients continusseront à fréquenter l’établissement après la vente, assurant ainsi un chiffre d’affaires récurrent à l’acquéreur. C’est un élément incorporel précieux qui justifie de payer un prix supérieur à la seule valeur des équipements et du stock.
• Entreprise disposant d’un savoir-faire unique ou d’une équipe expérimentée : Le capital humain et le savoir-faire technique sont d’autres sources classiques de goodwill. Une société de conseil, par exemple, dont la valeur réside surtout dans la compétence de ses consultants, la qualité de ses méthodes et son portefeuille de références clients, a une survaleur liée à ces actifs immatériels (procédures internes, expertise accumulée, relations établies). De même, une entreprise industrielle qui bénéficie d’un procédé de fabrication unique ou d’un secret de fabrication non breveté possédera une survaleurcar son savoir-faire n’apparaît pas dans le bilan mais confère un avantage concurrentiel réel.
• Localisation exceptionnelle ou emplacement n°1 : Dans le cas des commerces de détail, hôtels ou restaurants, l’emplacement est souvent le facteur le plus déterminant de la valeur. Un local situé à un endroit stratégique (rue très passante, quartier touristique, centre commercial réputé) génère une survaleur importante. L’emplacement premiumassure un flux de clients naturel et une visibilité supérieure. Par exemple, un commerce en plein cœur de Paris, sur une artère très fréquentée, vaudra beaucoup plus que le même commerce dans une rue secondaire, à chiffre d’affaires égal, en raison de la survaleur liée à l’emplacement. On estime que les « emplacements n°1 » dans les grandes villes peuvent multiplier la valorisation du fonds de commerce de façon significative . La valeur du droit au bail (indemnité versée pour bénéficier du bail commercial existant) en est une illustration : pour un local sur les Champs-Élysées, un coefficient d’emplacement pouvant aller jusqu’à 12 est appliqué sur l’écart entre le loyer actuel et la valeur locative de marché , reflétant la survaleur énorme liée à cette localisation hors pair.
• Entreprise à fort potentiel de croissance : Une société positionnée sur un secteur en croissance rapide (par ex. technologie, santé) ou disposant d’une opportunité d’expansion (nouveaux marchés, innovation produit prometteuse) peut voir sa valeur dépasser largement son actif net grâce à son potentiel futur. Ici, la survaleur représente la croissance espérée. Les investisseurs sont prêts à payer aujourd’hui pour des profits qu’ils anticipent demain. Par exemple, une startup tech avec peu d’actifs tangibles mais un fort taux de croissance de ses utilisateurs aura une survaleur élevée (exprimée souvent par des multiples de revenus très élevés) du fait de ses perspectives. Cet aspect rejoint la notion de goodwill, même si dans les jeunes entreprises on parlera plus volontiers de valorisation par les flux futurs. Néanmoins, l’idée reste qu’une partie du prix correspond à des actifs immatériels futurs (innovation, part de marché potentielle, etc.) non encore matérialisés.
En revanche, la méthode de la survaleur est moins pertinente pour les entreprises fortement capitalistiques ou à faible intangible. Par exemple, dans une société industrielle où la performance repose avant tout sur un outil de production coûteux et standard, ou pour une foncière qui détient essentiellement des immeubles (actifs déjà évalués individuellement), la survaleur additionnelle peut être limitée. Dans ces cas, d’autres méthodes (approche patrimoniale pure, actualisation des flux sans excédent particulier) sont souvent privilégiées. De même, si une entreprise va mal (perte de clients, image ternie), il se peut que la survaleursoit nulle ou négative – la méthode de la survaleur le révélera en montrant que la rentabilité est inférieure au rendement normal des actifs, indiquant un goodwill inexistant et même un badwill éventuel.
En synthèse, la valorisation par la survaleur est adaptée dès que la “valeur de l’affaire” ne se résume pas à ses meubles et immeubles. Partout où entrent en jeu réputation, clientèle, savoir-faire ou situation géographique, elle permet de quantifier cet intangible qui fait toute la différence entre deux entreprises aux bilans pourtant similaires. C’est pourquoi cette approche est prisée des vendeurs et acquéreurs pour des PME, commerces et cabinets libéraux où le capital immatériel est souvent le premier facteur de prix.
Calcul du goodwill dans une évaluation
Comment calcule-t-on concrètement la survaleur ? Deux méthodes équivalentes coexistent : l’une, conceptuelle, par la capitalisation du superprofit ; l’autre, plus directe, par la soustraction valeur totale – actif net. En pratique elles reviennent au même calcul.
1. Approche par le superprofit capitalisé (méthode traditionnelle) : On identifie d’abord le superprofit annuel dégagé par l’entreprise, c’est-à-dire la part de bénéfice qui excède la rémunération « normale » des capitaux engagés. Pour cela, on détermine un taux de rendement r considéré comme approprié pour rémunérer les actifs nets (par exemple, un taux équivalent au rendement d’un investissement moyen du même risque : typiquement le taux sans risque à long terme majoré d’une prime de risque sectorielle) . Ensuite, on calcule le superprofit : si Bn est le bénéfice annuel (économique) anticipé et An l’actif net réévalué, le superprofit = Bn – r × An. Ce superprofit représente la rente de survaleur annuelle. Il convient enfin de convertir cette rente en valeur actuelle en la capitalisant sur une certaine durée. On choisit une horizon de maintien de l’avantage concurrentiel (souvent entre 5 et 8 ans dans la pratique courante ) et un taux d’actualisation (généralement le même r ou un taux voisin). On obtient alors un coefficient multiplicateur = somme actualisée de 1 € sur n années au taux r. Par exemple, sur 5 ans à 10 %, ce coefficient serait d’environ 3,79 ; sur 8 ans à 10 %, ~5,33 ; sur 8 ans à 8 %, ~6,21, etc. Le goodwill se calcule alors :
\text{Goodwill} = \text{superprofit annuel} × \text{coefficient (n, r)}.
Cette approche, héritée de la « méthode de la rente de goodwill » classique, est en réalité une méthode mixte patrimoniale/financière. Elle aboutit évidemment au même résultat que de prendre la valeur globale via un DCF et de soustraire l’actif net. Elle a l’avantage pédagogique de montrer la part du bénéfice attribuable aux intangibles.
2. Approche par soustraction (valorisation globale – actif net) : C’est la formule la plus simple évoquée plus haut. On évalue la valeur globale de l’entreprise par une méthode de rendement ou de comparables ; puis on retranche la valeur des actifs nets tangibles (évalués à jour). Le résultat est la survaleur. Cette approche a l’avantage de pouvoir se baser sur des données de marché observées. Par exemple, si des entreprises comparables se vendent en général à 6 fois leur EBITDA, on peut estimer la valeur totale de la cible selon son EBITDA, puis retrancher l’actif net. Ce calcul révèle implicitement quel multiple a été payé pour le seul intangible. Souvent, les praticiens expriment d’ailleurs la valorisation d’un fonds de commerce directement en multiple de son CA ou de son résultat d’exploitation – ce multiple incluant de fait la survaleur. Par exemple, si un commerce se vend 3× son EBIT, et que son bilan net vaut 1× son EBIT, cela signifie que 2× l’EBIT correspond à du goodwill.
Quelle que soit la méthode, il est important de bien calibrer les paramètres : le taux de rendement r doit refléter le risque propre de l’entreprise (un taux trop faible surévaluerait le goodwill, un taux trop élevé le sous-évaluerait) . La durée n de capitalisation doit correspondre à la période sur laquelle on estime que l’avantage concurrentiel restera significatif (par exemple, 5 ans si le secteur évolue vite, ou jusqu’à 8-10 ans si l’entreprise a une position très établie) . En pratique, au-delà de 5 à 8 ans, l’exercice devient spéculatif : on considère rarement que la rente de survaleur est acquise indéfiniment (sauf cas d’un monopole ou d’une marque centenaire indétrônable). La méthode doit donc s’appliquer avec prudence et en justifiant les hypothèses retenues.
Exemples concrets de calcul de survaleur
• PME industrielle équilibrée : Considérons une PME avec un actif net réévalué de 2 M€ et générant un bénéfice annuel moyen de 300 k€. Supposons qu’un investisseur attend un rendement de 10 %. La rémunération “normale” des 2 M€ d’actifs serait de 200 k€ par an. Le superprofit est donc de 100 k€ par an (300 – 200). En actualisant ce surplus sur, disons, 7 ans à 10 %, on obtient un coefficient d’environ 4,9. Goodwill ≈ 100 k€ × 4,9 = 490 k€. La valeur totale de l’entreprise serait alors actif net 2 M + goodwill~0,49 M = ~2,49 M€. Ce goodwill de ~490 k€ reflète les atouts intangibles de la PME (ex: son portefeuille clients stable, ou des procédés internes efficients). Si un acheteur propose 2,5 M€, il paie essentiellement ~0,5 M€ pour ces intangibles.
• Commerce de centre-ville : Imaginons un magasin de détail (parfumerie) dans une rue passante, réalisant 500 k€ de chiffre d’affaires annuel avec 50 k€ de résultat net. La valeur de ses actifs tangibles (aménagements, stock) après ajustement est modeste, disons 100 k€. Cependant, le commerce bénéficie d’une excellente localisation et d’une clientèle régulière. Sur le marché, on constate que ce type de commerce s’échange autour de 80 % du CA annuel (c’est un usage dans le secteur). On en déduit une valeur de fonds de commerce ≈ 0,8 × 500 k€ = 400 k€. La survaleur serait donc de 400 k€ – 100 k€ = 300 k€. En proportion, c’est 75% du prix qui correspond à l’intangible (emplacement, nom, clientèle). Ce cas n’est pas exceptionnel : dans de nombreux commerces de proximité, la clientèle locale et l’emplacement constituent l’essentiel de la valeur. Par exemple, les restaurants peuvent se valoriser typiquement entre ~60% et 190% du CA annuel selon leur réputation, et des galeries d’art entre 50% et 200% du CA – des fourchettes très larges qui traduisent le poids variable de la survaleur selon les affaires.
• Société de conseil (activité B2B) : Considérons un cabinet de conseil en ingénierie logicielle, avec un actif net comptable quasi nul (principalement du cash et du mobilier de bureau), un chiffre d’affaires de 1 M€ et un EBITDA de 200 k€. De tels cabinets se vendent en général autour de 4 à 6 fois l’EBITDA selon la qualité de leur portefeuille client et de leurs consultants. S’il se vend sur la base de 5×, cela donne une valeur d’entreprise de 1 M€. L’actif net réévalué étant modeste, mettons 0,2 M€ (essentiellement la trésorerie excédentaire), la survaleur serait ~0,8 M€. Cela représente la valorisation de la clientèle d’entreprises fidélisées, des équipes et du savoir-faire du cabinet. Un tel goodwill correspond ici à 4× l’EBITDA, ce qui veut dire que sur les 5× payés, 1× seulement était pour les actifs tangibles (cash, etc.) et tout le reste pour les éléments incorporels (contrats récurrents, réputation sur le marché, etc.). Ce ratio est classique pour des sociétés de services où l’essentiel de la valeur réside “dans les têtes” des employés et la relation avec les clients.
• Activité libérale (profession réglementée) : Prenons le cas d’un cabinet d’expert-comptable individuel en province. Son actif net est très faible (quelques ordinateurs amortis, des créances clients) – disons 50 k€ après retraitements. Son chiffre d’affaires annuel est de 300 k€ avec un profit retraité de 100 k€ pour l’exploitant. Dans cette profession, le marché pratique une évaluation souvent en pourcentage du CA – typiquement entre 70% et 100% du CA annuel pour un cabinet moyen . Si l’on retient 85%, la valeur de cession serait ~255 k€. Le goodwill implicite = 255 – 50 = 205 k€. Cela signifie que le repreneur paie grosso modo 2 années de bénéfices (205 k€ ≈ 2×100 k€) pour racheter la clientèle et la renommée du cabinet, en plus de la reprise des quelques actifs. Ce multiple équivaut à dire que l’acquéreur récupérera son investissement intangible en 2 ans grâce aux revenus des clients fidèles, ce qui est cohérent s’il parvient à les conserver. Dans ce type d’activités (médecins, avocats, notaires, etc.), la patientèle ou la clientèle est souvent l’unique véritable valeur transmissible – d’où l’existence même de la notion de “fonds libéral”. La jurisprudence a fini par reconnaître la cessibilité de ces clientèles (arrêts de 2000 et 2004, formant le concept de fonds d’exercice libéral) , permettant ainsi de monétiser la survaleur d’un cabinet lors du départ à la retraite du professionnel.
Ces exemples concrets illustrent comment la survaleur se calcule et s’interprète selon le contexte. Dans chaque cas, on voit que le ratio goodwill/valeur totale varie énormément : il peut être majoritaire (75% dans l’exemple du magasin) ou au contraire minoritaire (20% dans la PME industrielle) – tout dépend de la nature de l’activité et de ses atouts immatériels. Pour les investisseurs et prêteurs, cette ventilation est cruciale : par exemple une banque financera plus volontiers des actifs tangibles facilement revendables que de la survaleur “pure” qui, elle, peut s’évaporer si l’affaire périclite. D’où l’importance, lors des négociations, de justifier le goodwill demandé par des éléments concrets (données de marché, force du carnet de commandes, etc.).
Pratiques récentes en France (2024-2025)
Les années 2024-2025 apportent un éclairage intéressant sur la manière dont les survaleurssont appréciées dans les transactions d’entreprises en France. Après une période 2020-2021 marquée par des valorisations parfois élevées (liées à des anticipations optimistes post-Covid et à des taux d’intérêt historiquement bas), le contexte a évolué avec la remontée des taux et l’inflation. Concrètement, quelles tendances observe-t-on actuellement ?
• Stabilité des multiples moyens, ajustements sectoriels : Selon les données compilées fin 2023, le multiple moyen d’EBITDA payé pour les PME en France est resté autour de 5,3× l’EBITDA . Ce niveau moyen stable cache toutefois des disparités sectorielles importantes. Les secteurs très porteurs en intangibles (logiciels, santé…) affichent des multiples nettement supérieurs à la moyenne (souvent 7× ou plus), tandis que les secteurs plus traditionnels ou risqués (bâtiment, restauration) tournent plutôt autour de 4× ou moins . Par exemple, en 2024, les entreprises de développement logiciel en France présentent un multiple moyen d’environ 7,7×, ou les services de santé ~7,4× – reflétant leur potentiel de croissance et leurs actifs immatériels prisés. À l’inverse, la construction n’est valorisée qu’autour de 3,8× en moyenne, et l’hôtellerie ~4,2×, en raison du risque plus élevé et d’actifs incorporels plus volatils . Ces chiffres confirment que la part de goodwill dans les prix de cession varie énormément selon le profil de l’entreprise. En moyenne cependant, pas de flambée générale des survaleursen 2023-2024 : le marché français est resté assez rationnel, avec des multiples globalement en ligne avec les années précédentes.
• Impact de la hausse des taux d’intérêt : La forte remontée des taux depuis 2022 a eu un effet modérateur sur les valorisations. En effet, un taux d’actualisation plus élevé réduit la valeur actualisée des rentes futures (donc tend à réduire le goodwill calculé par capitalisation de superprofits). De plus, les acquéreurs finançant par dette voient leur capacité d’emprunt diminuer pour un niveau de cash-flow donné, ce qui les contraint souvent à offrir un peu moins cher. Par conséquent, dans de nombreux secteurs, on a observé une légère contraction des multiples ou au minimum un plafonnement. Par exemple, dans la cession de pharmacies, une étude basée sur ~1000 transactions a montré une baisse du prix de cession moyen en 2023 : pour les officines réalisant >1,2 M€ de CA, le prix moyen est descendu à ~84% du CA (contre 87% l’année précédente) , et pour les plus petites officines (~0,8-1,2 M€ de CA) le multiple est tombé à 59% du CA (niveau historiquement bas). En termes de multiples de résultat, cela correspond à environ 6,4× l’EBE moyen pour les grandes officines (en baisse de 0,3 point) et 5,3× l’EBE pour les plus petites (–0,1) . Cette correction modérée s’explique par la baisse des marges dans la profession (inflation des coûts non répercutée, fin des ventes Covid) . On voit ici que le goodwill “terrain” s’ajuste : la survaleur payée reste conséquente (les pharmacies continuent de se vendre largement au-dessus de la valeur de stock et de mobilier), mais elle s’est réduite de quelques points pour refléter les nouvelles conditions économiques.
• Valorisation des actifs incorporels et fiscalité : En 2022-2023, le régime fiscal français a introduit la possibilité d’amortir le fonds commercial sur 10 ans pour les acquisitions réalisées entre 2022 et 2025 (à titre temporaire, dans le cadre du plan de relance). Cette mesure, prolongée par la Loi de finances 2023, a eu pour effet de soutenir les transactions sur les fonds de commerce : en permettant à l’acquéreur de déduire fiscalement la survaleur payée (par amortissement du fonds commercial acquis), l’investissement dans le goodwill devient un peu plus attractif. On a pu constater que cela a encouragé certaines ventes de fonds de commerce qui hésitaient, notamment en fin d’année 2022. Par exemple, la proportion de cessions sous forme de fonds de commerce (plutôt que de titres de société) s’est maintenue à un niveau élevé (46% des transmissions de pharmacies en 2023 ont été faites via vente du fonds plutôt que parts sociales ), sans doute portée par l’avantage fiscal de l’amortissement du fonds commercial . Ainsi, même le législateur influence la survaleur en modulant son traitement comptable et fiscal, ce qui a un impact direct sur les pratiques du marché.
• Jurisprudence et évaluation : Les années récentes ont également vu se préciser certaines positions jurisprudentielles sur l’évaluation des fonds et du goodwill. Par exemple, des décisions de 2024 ont porté sur la justification des dépréciations de fonds de commerce en comptabilité (c’est-à-dire reconnaître qu’un goodwill inscrit a perdu de la valeur). Les tribunaux ont rappelé l’importance d’indices sérieux pour constater une telle perte de valeur sur un actif incorporel . Par ailleurs, en matière de contentieux fiscaux sur la valorisation d’entreprises (donations, ISF/IFI, etc.), l’administration française continue de se référer au Guide d’évaluation de la DGFIP qui mentionne la méthode du goodwill, tout en soulignant qu’elle est parfois « mal appliquée voire inapplicable » si utilisée de manière forfaitaire sans analyse fine . On encourage ainsi les experts à ne pas appliquer aveuglément une formule de survaleur, mais à l’adapter aux spécificités de chaque cas.
En somme, les pratiques 2024-2025 en France montrent un marché de la survaleur raisonné : les acquéreurs restent prêts à payer cher les bons actifs immatériels, mais en étant plus sélectifs et prudents sur les multiples accordés. Les éléments concrets (données de transactions comparables, justifications de croissance) sont de plus en plus scrutés pour valider un goodwill élevé. Pour les vendeurs, cela signifie qu’il faut documenter soigneusement les atouts immatériels de leur entreprise (par exemple, montrer la stabilité de la clientèle par des chiffres de rétention, ou la force de la marque par des enquêtes de notoriété) afin de maximiser la survaleur défendable dans le prix. Pour les investisseurs, la période rappelle que le goodwill est une valeur volatile qui peut fluctuer selon la conjoncture : un actif incorporel très prisé hier peut voir sa valorisation réduite si le contexte se durcit (hausse des taux, concurrence accrue, etc.). D’où l’importance de bien calibrer le prix de la réputation à payer dans chaque opération.
Focus sur le marché parisien et l’Île-de-France
Le marché parisien présente des particularités notables en matière de survaleur, du fait de l’attractivité exceptionnelle de Paris et de sa région. Vendeurs et acquéreurs en Île-de-France doivent prendre en compte plusieurs spécificités qui ont un impact direct sur le goodwill des entreprises et fonds de commerce :
• Emplacements premium à Paris : Paris est célèbre pour ses emplacements commerciaux hors norme – des avenues mondialement connues (Champs-Élysées, Avenue Montaigne, Boulevard Haussmann…), des quartiers touristiques (Saint-Germain, Le Marais, Montmartre) où la densité de clients potentiels est sans égale. La valeur d’un fonds de commerce parisien dépend en grande partie de sa localisation précise. Un café d’angle sur une place très fréquentée ou une boutique dans le Triangle d’Or bénéficient d’une survaleur d’emplacement considérable. Comme indiqué précédemment, le coefficient d’emplacement peut grimper jusqu’à 10-12 pour les adresses les plus cotées , reflétant que le simple droit d’occuper les lieux (le pas-de-porte ou droit au bail) vaut une fortune. Par exemple, un bail commercial à proximité immédiate de la Tour Eiffel ou sur l’avenue des Champs-Élysées pourra générer un “prix au m²” de fonds de commerce exorbitant, sans commune mesure avec la valeur intrinsèque des murs (souvent détenus par un bailleur tiers). Les acquéreurs internationaux notamment sont enclins à payer très cher pour s’installer à Paris dans un emplacement iconique, ce qui tire les survaleurs vers le haut. Pour un commerce de bouche ou une boutique de luxe, être à Paris intra-muros – et de préférence dans un quartier réputé – est presque synonyme de flux de clientèle assuré, donc de goodwill. À l’inverse, en grande couronne ou dans des zones moins centrales, le différentiel de valorisation peut être frappant : un restaurant qui vaudrait 100 % du CA à Paris n’en vaudra peut-être que 50 % en périphérie moins demandée.
• Marques locales et attrait touristique : Paris attire chaque année des millions de touristes et dispose d’une clientèle locale au pouvoir d’achat élevé. De ce fait, les enseignes parisiennes ayant une forte identité locale ou une histoire particulière profitent d’un double effet sur leur goodwill. D’une part, les Parisiens attachés à “leurs” commerces de quartier contribuent à fidéliser une clientèle solide (par ex. une boulangerie artisanale renommée dans son arrondissement aura une valorisation de son fonds bien supérieure à celle d’une boulangerie moyenne, grâce à sa clientèle d’habitués prête à faire la queue chaque matin). D’autre part, la clientèle touristique et internationale ajoute une couche additionnelle de valeur : de nombreux commerces réalisent une part significative de leur chiffre d’affaires grâce aux touristes (pensons aux grands magasins, aux boutiques de souvenirs, aux restaurants emblématiques). Cette affluence internationale peut être monétisée dans la valorisation sous forme de survaleur. Par exemple, un caviste près de Notre-Dame connu pour sa sélection typiquement française pourra capitaliser sur sa réputation auprès des visiteurs étrangers, ce qui fait monter son prix de cession. De même, les sociétés de services haut de gamme (hôtels, conciergeries, tours guidés…) bénéficient de l’image de Paris comme destination de prestige, ce qui constitue un intangible monétisable. Globalement, le cachet “Paris” est en lui-même un facteur de goodwill : beaucoup de marques incorporent Paris dans leur branding pour profiter de cette aura, et lorsqu’une entreprise a pignon sur rue à Paris depuis longtemps, cela rassure sur sa qualité (d’où une disposition à payer plus cher pour la racheter).
• Effet vitrine et rayonnement international : Pour certaines entreprises, être basées à Paris confère un rayonnement qui dépasse le marché local. Par exemple, un restaurant étoilé parisien acquiert une renommée mondiale, un studio de mode à Paris aura plus de visibilité internationale qu’en province. Cet effet vitrine se traduit dans la valorisation. Un groupe étranger cherchant à acquérir une référence en France paiera souvent une prime pour une société située à Paris, plus facilement mise en avant et connectée aux réseaux d’affaires internationaux. Ainsi, la survaleur transactionnelle intègre fréquemment un « Paris premium » – difficile à quantifier précisément, mais réel dans les négociations. On pourrait citer le cas d’entreprises technologiques qui choisissent Paris pour leur siège européen : leur valorisation intègre l’accès à un écosystème d’innovation parisien (incubateurs, talents issus des grandes écoles, etc.). De même, des cabinets de conseil ou d’avocats parisiens bénéficient d’une clientèle corporate globale (siège de multinationales, institutions) qu’ils n’auraient pas ailleurs, ce qui gonfle la valeur de leur portefeuille client au-delà du local.
• Marché très concurrentiel et exigences élevées : L’envers du décor est que le marché francilien étant très convoité, les acheteurs sont sélectifs et souvent bien informés. Pour justifier un goodwill important à Paris, il faut vraiment se démarquer. On constate que dans des secteurs saturés (ex : la restauration où l’offre est pléthorique à Paris), seuls les établissements ayant une vraie différenciation (chef médiatisé, concept unique, décor classé…) arrivent à vendre leur fonds avec une forte survaleur. Les autres subissent la concurrence : un emplacement secondaire ou un concept banalisé verra son goodwill compressé car l’acheteur potentiellement a d’autres options dans la capitale. Paris donne accès à un vaste marché, mais aussi à une compétition intense, ce qui peut éroder la fidélité client si l’offre n’est pas à la hauteur. Ainsi, les survaleurs“de convenance” (où l’on surpaie juste parce que c’est Paris) tendent à diminuer, et les survaleurs “justifiées” (par une rentabilité excédentaire prouvée ou un actif intangible distinctif) restent seules défendables. En clair, Paris amplifie les écarts : le meilleur se vend encore plus cher, le moyen se vend finalement à sa juste valeur sans miracle.
• Spécificités réglementaires locales : Enfin, notons que certains éléments réglementaires propres à l’Île-de-France peuvent jouer sur les valorisations. Par exemple, dans des domaines comme les taxis parisiens ou les licences d’exploitation (débits de boisson avec licence IV, etc.), les quotas et restrictions créent un prix de rareté qui s’apparente à du goodwill. Un numéro de taxi parisien valait une somme importante (même si en baisse depuis l’arrivée des VTC), ce qui était essentiellement de la survaleurtransactionnelle liée au droit d’exercer sur Paris. De même, pour les pharmacies, les quotas démographiques limitant le nombre d’officines par arrondissement ont longtemps soutenu des survaleurs élevées des fonds de pharmacie parisiens, car la place était chère à obtenir (tendance atténuée récemment par les restructurations du secteur). Ces facteurs font partie intégrante de l’évaluation dans la région : un investisseur doit intégrer ces intangibles réglementaires dans son prix.
En conclusion, le marché parisien amplifie souvent la notion de goodwill : la magie de Paris peut ajouter une couche substantielle à la valorisation, que ce soit via l’emplacement, l’image ou la clientèle mondiale. Vendeurs et acheteurs doivent cependant l’aborder avec discernement : tout ce qui brille n’est pas or, même à Paris, et il convient d’analyser objectivement en quoi l’entreprise tire profit de son implantation francilienne (ou pourrait voir son intangible menacé par la concurrence). Pour un vendeur d’Île-de-France, valoriser la survaleur implique de mettre en avant le caractère unique de son affaire dans la capitale (emplacement, histoire, réputation) afin de susciter le “coup de cœur” rationnel de l’acheteur et de justifier la prime de prix. Pour un acheteur, cela implique de payer le juste prix de la rareté sans succomber à un effet de mode – par exemple ne pas surpayer un concept éphémère parce qu’il est à Paris, mais bien calibrer le goodwill sur des fondamentaux (flux touristiques solides, marque durable, etc.).
En somme, Paris reste un terrain où la survaleur peut atteindre des sommets, mais toujours guidée par cette alchimie entre l’immatériel (le rêve, le prestige) et le concret (la rentabilité additionnelle que cela génère). Un équilibre que vendeurs, acheteurs et investisseurs avisés doivent apprécier avec rigueur, afin que la Ville Lumière tienne toutes ses promesses de valeur.
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Méthode patrimoniale d’évaluation des entreprises et fonds de commerce (Actif Net Réévalué)
Sommaire :
• Définition de la méthode patrimoniale
• Constitution de l’actif net réévalué : retraitements du bilan
o Réévaluation des immobilisations
o Goodwill et actifs incorporels
o Trésorerie, dettes et passifs hors bilan
• Valeur comptable brute vs actif net réévalué
• Avantages de la méthode patrimoniale
• Limites de la méthode patrimoniale
• Cas d’usage pertinents de l’approche patrimoniale
• Exemples concrets d’évaluation patrimoniale
o Exemple 1 : évaluation d’une société holding
o Exemple 2 : évaluation d’une entreprise artisanale
o Exemple 3 : évaluation d’un commerce parisien à forts actifs incorporels
• Pratiques 2024-2025 en France et spécificités du marché parisien
o Tendances récentes et pratiques professionnelles
o Focus : le marché parisien et l’application locale
Définition de la méthode patrimoniale
La méthode patrimoniale d’évaluation – également appelée méthode de l’actif net réévalué ou valeur substantielle – consiste à déterminer la valeur d’une entreprise en calculant la valeur de son patrimoine net comptable après réévaluation. Concrètement, il s’agit d’additionner la valeur de marché (valeur vénale) de tous les actifs de l’entreprise et d’en soustraire la totalité de ses passifs exigibles (dettes et provisions), une fois les postes du bilan retraités pour refléter les valeurs réelles plutôt que les valeurs historiques . On obtient ainsi l’actif net réévalué (ANR) de l’entreprise, qui correspond à la situation nette économique de celle-ci.
En d’autres termes, la méthode patrimoniale cherche à estimer combien « vaut » une entreprise à travers ce qu’elle possède effectivement (valorisation de l’actif) diminué de ce qu’elle doit (dettes). L’approche est statique, basée sur une photographie à date du patrimoine de la société. Par exemple, si une entreprise possède des immeubles, du matériel, des stocks et de la trésorerie, on évalue chacun de ces éléments à leur valeur actuelle, puis on retranche les emprunts, dettes fournisseurs, provisions, etc., afin d’obtenir la valeur de l’actif net. C’est pourquoi on parle d’approche par la valeur de l’actif net corrigé ou réévalué, par opposition à d’autres méthodes basées sur les revenus futurs (méthodes de rendement) ou les comparables de marché.
Cette méthode est couramment utilisée en France comme l’une des approches possible pour valoriser une entreprise ou un fonds de commerce, aux côtés des méthodes par les flux de trésorerie (DCF), par les multiples de résultats (EBE, EBITDA, etc.), ou par comparaison avec des transactions similaires. Dans le langage fiscal français, la méthode patrimoniale est aussi appelée méthode de la « valeur mathématique » des titres , car elle repose sur des calculs arithmétiques à partir du bilan comptable corrigé. Elle est notamment privilégiée pour certaines catégories d’entreprises (nous y reviendrons) et sert souvent de base ou de valeur plancher dans le cadre d’une approche multicritère.
Constitution de l’actif net réévalué : retraitements du bilan
Le bilan comptable d’une entreprise reflète les valeurs historiques d’acquisition de ses actifs, diminuées des amortissements et provisions passés, et non les valeurs de marché actuelles . De plus, certains éléments peuvent ne pas y figurer (droits, engagements hors bilan) ou être inscrits pour des montants qui ne correspondent pas à leur valeur économique réelle. Il est donc nécessaire de procéder à divers retraitements du bilan pour passer de l’actif net comptable (valeur purement comptable des capitaux propres) à l’actif net réévalué (valeur patrimoniale réelle). Voici les principaux ajustements à effectuer poste par poste :
Réévaluation des immobilisations
• Immobilisations corporelles (terrains, immeubles, matériels) : Les actifs corporels durables doivent être réévalués à leur valeur actuelle de marché. Par exemple, un terrain ou un local acheté il y a 20 ans aura souvent pris de la valeur et vaudra bien plus que sa valeur nette comptable d’origine. À l’inverse, du matériel peut avoir perdu de la valeur plus vite que l’amortissement comptable. Il convient donc d’estimer la valeur vénale de ces biens (via des expertises immobilières, argus du matériel d’occasion, etc.) et d’ajuster en conséquence . Si l’entreprise utilise des actifs en crédit-bail (leasing) non inscrits au bilan, il faut les intégrer à l’actif pour leur valeur de marché, tout en ajoutant la contrepartie correspondante en dette de leasing au passif . L’objectif est d’inclure tous les biens utilisés par l’entreprise comme si elle en était propriétaire, pour ne pas sous-estimer son actif.
• Immobilisations incorporelles (brevets, marques, fonds commercial) : Les actifs incorporels identifiables doivent également être évalués à leur juste valeur. Par exemple, une marque connue, un brevet exploitable ou un portefeuille de clients peuvent avoir une valeur significative, qu’ils soient ou non inscrits au bilan. En France, le fonds commercial (clientèle, achalandage, droit au bail, nom commercial…) n’apparaît au bilan que s’il a été acquis à titre onéreux. S’il a été généré par l’entreprise elle-même, il n’est pas comptabilisé. Dans le cadre de l’ANR, il faut donc réintégrer la valeur de ces éléments incorporels s’ils ont une valeur pour un éventuel repreneur . Par exemple, un droit au bail attractif non comptabilisé dans les livres devra être ajouté pour sa valeur de marché actuelle . De même, une licence d’exploitation ou un brevet développé en interne sera valorisé s’il apporte un avantage transférable.
Goodwill et actifs incorporels
• Goodwill (survaleur) : Le goodwill est une valeur incorporelle figurant à l’actif lorsqu’une entreprise a été rachetée pour un prix supérieur à la valeur de ses actifs nets comptables (il représente alors la « survaleur » payée, souvent justifiée par le potentiel de rentabilité future ou des synergies). Dans une approche patrimoniale stricte, le goodwill inscrit au bilan doit être examiné de près. S’il correspond à un avantage économique identifiable (par exemple une marque acquise, une technologie, une part de marché mesurable), cet avantage devrait être valorisé individuellement dans l’actif net réévalué. En revanche, si le goodwill ne correspond pas à un élément identifiable et cessible de l’entreprise, mais juste à une espérance de gains futurs, il peut être considéré comme une non-valeur du point de vue patrimonial. Autrement dit, la méthode patrimoniale n’intègre pas la survaleur liée aux profits futurs – ce qui est précisément la limite de cette approche (voir plus loin) . Dans la pratique, l’évaluateur pourra donc neutraliser le goodwill comptable (s’il existe) et se concentrer sur les actifs tangibles et incorporels séparément valorisables. Par exemple, si une société a un goodwill de 100 k€ à son bilan suite au rachat d’une filiale, mais que cette survaleur ne correspond pas à un actif concret, on pourra l’exclure de l’ANR. En revanche, si ce goodwill correspond en fait à la valeur d’un fonds de commerce identifiable (clientèle fidèle, emplacement commercial premium…), il est alors nécessaire de le matérialiser dans l’ANR en valorisant ces éléments (ex: valorisation du fonds commercial, du droit au bail, etc.) plutôt que de le laisser en masse globalement.
• Actifs sans valeur économique (non-valeurs) : Certains postes d’actif peuvent figurer au bilan tout en n’ayant aucune valeur réelle pour un acquéreur. Il convient de les éliminer du calcul de l’actif net réévalué . On peut citer par exemple les frais d’établissement et frais de développement capitalisés (ces dépenses passées n’ont pas de valeur de revente), les aménagements ou installations spécifiques qui seraient inutiles ou inadaptés pour un repreneur, ou encore des marques et brevets obsolètes. En pratique, on retire ces éléments du calcul de l’ANR, car un acheteur ne paierait pas pour ces postes dépourvus d’utilité économique .
Créances et stocks
• Créances clients et autres : L’actif circulant comprend notamment les créances (sommes dues à l’entreprise). Dans le bilan comptable, des provisions pour créances douteuses sont généralement constituées si certains clients risquent de ne pas payer, mais il faut vérifier leur adéquation. Dans le calcul de l’actif net réévalué, on prendra les créances pour leur valeur recouvrable réelle. Cela implique de déduire (ou provisionner) intégralement les créances dont le recouvrement paraît compromis, au-delà des seules provisions comptables éventuellement existantes. Par exemple, si un client important est en faillite et ne paiera probablement pas une facture de 50 k€, il faut retirer ce montant de l’actif. À l’inverse, si l’entreprise a des créances anciennes non échues qui sont sûres, elles restent à leur valeur brute.
• Stocks : Les stocks de marchandises ou de produits finis doivent être évalués à leur valeur de réalisation. En comptabilité, les stocks sont valorisés au plus bas du coût d’achat/production et de la valeur probable de revente. Toutefois, il convient d’identifier d’éventuelles dépréciations supplémentaires nécessaires ou au contraire des plus-values latentes. Par exemple, des stocks obsolètes ou invendables devront être dévalorisés (voire exclus de l’actif si inutilisables). À l’inverse, dans de rares cas, des stocks de matières premières dont le prix a grimpé pourraient valoir plus que leur coût historique – la méthode patrimoniale permet théoriquement de réévaluer ces stocks à la hausse si un marché actif permet d’en déterminer la valeur vénale. L’important est de retenir une valeur réaliste des stocks pour un repreneur : ce qu’il pourrait en tirer ou ce qu’ils lui évitent de dépenser.
Trésorerie, dettes et passifs hors bilan
• Trésorerie et actifs financiers : La trésorerie disponible (comptes en banque, liquidités) est généralement déjà évaluée à sa juste valeur faciale en comptabilité. Dans le calcul de l’ANR, la trésorerie est donc prise pour sa valeur nominale. Il faut toutefois vérifier s’il n’existe pas de trésorerie non disponible (cautions, dépôts bloqués…) qui devrait être exclue, ou des risques de pertes sur des placements financiers risqués. De même, les éventuels titres de participation (actions détenues) doivent être réévalués à leur valeur actuelle (cours de Bourse pour des titres cotés, valeur estimée pour des titres non cotés) , car leur valeur comptable historique peut être très différente de la réalité.
• Dettes financières : L’ensemble des dettes bancaires et financières à la charge de l’entreprise doit être soustrait pour leur montant en principal, ainsi que les intérêts courus le cas échéant. On utilise en principe la valeur de remboursement à date (par exemple, un emprunt de 500 k€ sera pris pour 500 k€ dans le passif déduit). À noter que si l’entreprise a des dettes obligataires cotées, on pourrait les valoriser à leur cours du marché secondaire, mais c’est rare pour les PME.
• Autres dettes et passifs : Toutes les dettes fournisseurs, fiscales, sociales, etc., figurant au bilan, sont déduites à leur valeur nominale. En outre, il faut identifier les passifs éventuels non inscrits au bilan et en tenir compte dans l’ANR . Parmi ces passifs « hors bilan » fréquents, on trouve les engagements de retraite des salariés (indemnités de fin de carrière) qui ne sont pas toujours provisionnés en totalité au bilan statutaire, les coûts futurs de dépollution ou de remise en état d’un site industriel à la fin d’exploitation, des litiges en cours non provisionnés, etc. Par prudence, on imputera ces obligations estimées en diminution de la valeur patrimoniale, car un acquéreur en tiendra compte dans le prix.
• Impôts latents sur plus-values : Un point délicat concerne la fiscalité latente sur les plus-values des actifs réévalués. En effet, si l’on valorise par exemple un immeuble bien au-dessus de sa valeur comptable d’origine, cela signifie qu’une cession de cet immeuble générerait une plus-value taxable (impôt sur les sociétés ou plus-value professionnelle). Faut-il déduire cet impôt latent du calcul de l’ANR ? La pratique diffère selon le contexte : si l’évaluation se place dans une optique de liquidation ou de cession des actifs, on déduira la fiscalité latente correspondante, notamment pour les actifs non essentiels à l’exploitation . En revanche, si on valorise l’entreprise dans une perspective de poursuite de l’activité, on considère que ces actifs ne seront pas vendus isolément à court terme – la fiscalité latente n’a alors pas lieu d’être déduite dans l’ANR . Par exemple, la doctrine fiscale française recommande de ne pas retirer l’impôt latent sur les plus-values des actifs d’exploitation courante (machines, fonds de commerce qui vont continuer à être exploités) . En revanche, pour un actif hors exploitation destiné à être cédé (par ex. un terrain ou un immeuble dont le repreneur n’a pas l’utilité et qu’il prévoit de vendre), il faudrait retrancher l’impôt sur la plus-value potentielle, car cet impôt viendra réduire le bénéfice net de la vente.
Après l’ensemble de ces retraitements et ajustements, on obtient un bilan corrigé en valeurs actuelles. La différence entre le total d’actif réévalué et le total de passif réévalué donne l’actif net réévalué. C’est cette valeur patrimoniale qui est retenue comme estimation par la méthode patrimoniale.
Valeur comptable brute vs actif net réévalué
Il est important de distinguer la valeur comptable brute de l’entreprise et sa valeur patrimoniale réévaluée. La valeur comptable (situation nette au bilan) est une donnée historique, souvent très différente de la réalité économique. En effet, le bilan enregistre les actifs à leur coût d’acquisition amorti et ignore la plupart des plus-values latentes ou des moins-values non réalisées . Ainsi, le patrimoine réel de l’entreprise peut valoir bien plus – ou bien moins – que ce que montre son bilan.
Comparaison qualitative : La valeur comptable brute est, en quelque sorte, une approximation grossière de la valeur, utile d’un point de vue comptable mais peu pertinente pour un acheteur . Au contraire, l’actif net réévalué vise à fournir une image fidèle de la valeur économique du patrimoine à l’instant T. Par exemple, une société ayant accumulé des réserves en trésorerie et des immeubles anciens pourrait avoir un actif net comptable de 1 million €, alors que la valeur de marché de ses actifs (immeubles valant davantage, cash inchangé) conduit à un actif net réévalué de, disons, 1,8 million €. À l’inverse, une entreprise dont les actifs ont perdu de la valeur (stocks obsolètes, clients insolvables non provisionnés) aura un actif net réel inférieur à son montant comptable.
En d’autres termes, l’actif net comptable n’est qu’un point de départ. C’est une valeur qui doit être corrigée pour devenir pertinente en évaluation. La méthode patrimoniale consiste précisément à opérer ces corrections pour passer de la situation nette comptable (valeur des capitaux propres dans les livres) à la situation nette corrigée. La différence entre les deux provient des plus-values latentes (actifs sous-évalués comptablement) et des moins-values ou passifs latents (éléments surévalués ou non comptabilisés).
👉 Exemple illustratif: Prenons une PME dont le bilan fait apparaître 500 k€ de capitaux propres (valeur comptable brute). Après audit, on constate que son entrepôt, inscrit à 200 k€ net, en vaut en réalité 350 k€ sur le marché (+150 k€), que ses machines, nettes de 50 k€, ne vaudraient plus que 30 k€ en occasion (-20 k€), que des stocks pour 40 k€ sont invendables (-40 k€), et qu’un passif social de 30 k€ n’a pas été provisionné (-30 k€). En réintégrant ces éléments, l’actif net réévalué ressortirait à environ 500 + 150 – 20 – 40 – 30 = 560 k€, soit une valeur patrimoniale légèrement supérieure à la situation nette comptable initiale. Ce calcul montre comment l’ANR fournit une vision plus juste pour l’investisseur que la simple valeur comptable.
Avantages de la méthode patrimoniale
La méthode patrimoniale présente plusieurs avantages et attraits pour les vendeurs, acheteurs et investisseurs :
• Simplicité et transparence du calcul : C’est une approche relativement simple à comprendre et à expliquer. Les calculs nécessaires sont abordables et peuvent être discutés poste par poste entre le cédant et le repreneur . Chaque élément de l’actif ou du passif peut faire l’objet d’une négociation ou d’une justification (par exemple, discuter de la valeur d’une machine ou du réalisable sur un stock). Cette transparence favorise un échange concret entre les parties sur la base de données tangibles.
• Valeur minimale objective : L’actif net réévalué fournit souvent la valeur plancher d’une entreprise . En effet, sauf cas particuliers, un vendeur ne cédera pas en dessous de la valeur de son patrimoine net, et un acheteur sait qu’à ce prix il récupère au moins l’équivalent en actifs (quitte à revendre ces actifs ensuite). Pour une petite entreprise rentable mais sans forte croissance, l’ANR représente ainsi une valeur économique minimale raisonnable . Une entreprise “moyenne” achetée à sa seule valeur d’actif net est ainsi considérée comme “peu chère” sur le marché . Cette notion de valeur minimale est utile comme base dans la négociation, notamment quand la rentabilité de l’entreprise juste couvre la rémunération du travail du dirigeant sans excès.
• Utile pour évaluer la valeur de remplacement : La méthode patrimoniale permet de répondre à la question « Combien coûterait-il de reconstituer une entreprise équivalente de toutes pièces ? » . En effet, en sommant la valeur de tous les actifs, on obtient le coût de remplacement du “bundle” que représente l’entreprise. Cela éclaire le repreneur : s’il devait acheter séparément un fonds de commerce, des machines, constituer une clientèle, etc., aurait-il besoin d’un budget supérieur ou inférieur au prix demandé ? De même, côté vendeur, cela donne un argument sur l’investissement consenti dans ces actifs.
• Base pour la valeur de liquidation : De façon liée, l’ANR renseigne sur ce que vaudrait l’entreprise en cas de liquidation (cession de tous les actifs un par un, arrêt de l’activité). Si un cédant envisageait de tout vendre “au détail” et de rembourser les dettes, combien lui resterait-il en main ? L’ANR répond approximativement à cette question . Cette approche est donc particulièrement adaptée si l’activité est amenée à cesser ou si l’entreprise vaut surtout par ses actifs (par exemple, société holding ou foncière). Même pour un repreneur, connaître la valeur de liquidation peut servir de filet de sécurité (valeur de revente des actifs en cas d’échec de l’exploitation).
• Peu sensible aux aléas de projection : Contrairement aux méthodes fondées sur des prévisions de résultats futurs (DCF, capitalisation de revenus), l’approche patrimoniale ne dépend pas de projections incertaines. Elle n’intègre pas de paris sur le futur de l’entreprise, ce qui évite les erreurs liées à des hypothèses trop optimistes ou pessimistes. Dans des périodes économiques instables, cette approche “statique” peut paraître plus solide car ancrée sur des valeurs actuelles et tangibles.
• Recommandée dans certains contextes : Pour certaines catégories d’entreprises, les professionnels de l’évaluation privilégient la méthode patrimoniale. C’est le cas notamment des sociétés holdings ou des sociétés à prépondérance d’actifs (foncières, immobilières), où les flux de revenus sont irréguliers et où la valeur réside surtout dans le patrimoine . Dans ces situations, l’approche par l’ANR est souvent la plus appropriée et largement utilisée par les analystes. Elle peut également être imposée par l’administration fiscale dans des évaluations patrimoniales (donations, ISF/IFI) pour déterminer une assiette plancher.
Limites de la méthode patrimoniale
Malgré ses atouts, l’approche par l’actif net réévalué comporte des limites importantes qu’il faut bien avoir à l’esprit :
• Absence de prise en compte du potentiel futur : C’est la critique majeure. La méthode patrimoniale n’intègre pas la rentabilité future ni la dynamique de l’entreprise . Une entreprise n’est pas qu’un portefeuille d’actifs inertes : c’est avant tout une entité économique générant (ou susceptible de générer) des profits. Or, l’ANR ignore complètement la capacité bénéficiaire de l’entreprise, son carnet de commandes futur, son potentiel de croissance ou au contraire son risque de déclin. Ainsi, deux entreprises au patrimoine équivalent seront valorisées de la même manière par l’ANR, quand bien même l’une serait très rentable et l’autre en perte ! Cette myopie vis-à-vis du futur est la principale faiblesse de l’approche patrimoniale. Comme le résume Bpifrance, ces méthodes « ne reflètent pas le potentiel économique (important ou au contraire faible) de l’entreprise (son futur) » . Par conséquent, un acheteur ne doit pas s’arrêter à l’ANR s’il envisage une exploitation continue : la capacité de l’entreprise à dégager des résultats pour rentabiliser le prix d’acquisition est primordiale.
• Vision statique à un instant T : L’évaluation patrimoniale fournit une photo figée à la date d’évaluation. Elle ne capture pas l’évolution récente ou imminente de la performance de l’entreprise. En particulier, des changements brutaux dans l’activité peuvent rendre l’ANR trompeur . Par exemple, une société très prospère les années précédentes, mais dont les résultats viennent de chuter dramatiquement, présentera un actif net comptable historiquement élevé (bâtisse sur des bénéfices passés) alors que ses perspectives sont médiocres – l’ANR sera alors surévalué par rapport à sa valeur économique réelle . Inversement, une jeune entreprise qui sort tout juste de plusieurs années de pertes pour enfin décoller et devenir très rentable aura un bilan exsangue alors même que sa valeur économique explose – l’ANR la sous-évaluera lourdement . La méthode patrimoniale, parce qu’elle est rétrospective et non prospective, pèche dans toutes les situations d’évolution rapide (positive ou négative).
• Pas d’indication sur la rentabilité ou le financement : L’ANR ne donne aucune indication directe sur la capacité de l’entreprise à générer des revenus ni sur la façon de financer son rachat . Un repreneur se basera sur les cash-flows futurs attendus pour déterminer s’il peut rembourser un emprunt d’acquisition, payer un salaire, etc. Or la méthode patrimoniale est muette sur ces aspects. Acheter une affaire 1 M€ dont l’ANR est de 1 M€ peut sembler “pas cher” patrimonialement, mais si cette affaire ne génère que 50 k€ de bénéfice par an, le repreneur aura peut-être du mal à rembourser un emprunt correspondant. Ainsi, l’ANR ne renseigne pas sur la rentabilité de l’investissement ni sur le risque économique encouru, ce qui est un complément nécessaire lors de la prise de décision.
• Difficulté d’évaluation de certains actifs : Si la méthode est simple en principe, son application peut s’avérer complexe dès qu’on touche à des actifs pour lesquels la valeur de marché est incertaine ou fluctuante. Par exemple, évaluer une machine spéciale sur-mesure, un brevet technologique, une marque, ou même certains stocks, peut exiger une expertise pointue ou des comparaisons de marché difficiles. La détermination de la valeur vénale peut être subjective pour les actifs non standard. De plus, actualiser toutes les valeurs suppose de disposer d’informations (transactions comparables, expertises) qui ne sont pas toujours faciles à obtenir, surtout pour une PME non cotée. En l’absence de référence, on risque soit de sous-évaluer soit de surévaluer certains postes, ce qui impacte l’ANR final.
• Cas des actifs spécifiques à l’exploitation : Certains actifs ont peu de valeur en dehors de l’usage qu’en fait l’entreprise. Par exemple, des installations spécifiques très pointues peuvent avoir coûté cher, mais ne trouveraient quasiment pas preneur en dehors de l’entreprise actuelle (ou alors à prix de ferraille). Leur valeur pour un tiers est faible, mais leur valeur d’usage pour l’entreprise est élevée. La méthode patrimoniale classique tend à leur donner la valeur de revente externe faible, ce qui peut minorer la valeur réelle de l’entreprise en tant que going concern. Inversement, des actifs amortis comptablement mais indispensables pourraient être sous-évalués (si on devait les remplacer, cela coûterait cher). Ainsi, selon les hypothèses de cession ou de continuation, la perception de la valeur de certains actifs diffère. L’ANR pur adopte en général le point de vue “cession individuelle”, ce qui peut pénaliser les entreprises très spécifiques.
• Non pertinence dans certains secteurs : La méthode patrimoniale atteint vite ses limites pour les entreprises à fort capital immatériel ou à forte croissance, comme les start-upstechnologiques, les sociétés de services, etc. Dans ces cas, l’essentiel de la valeur réside dans le savoir-faire, la technologie, la part de marché, la capacité d’innovation – autant de facteurs non pris en compte par l’ANR. De ce fait, les praticiens réservent plutôt l’approche patrimoniale aux sociétés « à actif » (holdings, foncières, entreprises patrimoniales) et non aux entreprises orientées « service/humain » où la valeur est fonction des flux futurs . Il convient donc de la combiner avec d’autres méthodes pour obtenir une vision équilibrée.
En résumé, la méthode patrimoniale fournit une valeur plancher objective, mais doit presque toujours être confrontée aux autres approches d’évaluation pour apprécier la valeur globale d’une entreprise. Elle n’est réellement suffisante seule que dans des cas spécifiques (entreprise purement patrimoniale sans perspectives d’évolution notables, ou valorisation de liquidation). Dans les autres cas, elle doit être complétée par une méthode par les résultats (EBE, DCF…) pour intégrer le potentiel de l’affaire.
Cas d’usage pertinents de l’approche patrimoniale
Dans la pratique de l’évaluation d’entreprise, la méthode patrimoniale est particulièrement pertinente dans certains contextes précis, notamment :
• Sociétés holding et sociétés “patrimoniales” : Pour les structures dont l’activité principale est la détention d’actifs (participations financières, immobilier…), l’approche par l’actif net réévalué est la référence privilégiée . En effet, ces sociétés (holdings passives, holdings animatrices de groupe, foncières…) tirent leur valeur de leurs actifs sous-jacents plus que de l’exploitation d’un business productif. Leurs flux de revenus (dividendes, loyers, plus-values de cession) sont souvent volatils ou secondaires par rapport à la valeur du portefeuille détenu. Il est alors logique de valoriser directement ce portefeuille actif par actif. Par exemple, une holding familiale qui possède des immeubles et des titres financiers sera évaluée principalement en faisant la somme de la valeur de ces immeubles et titres (net de dettes), soit son ANR. Les professionnels considèrent même qu’il faut souvent appliquer une décote aux ANR des holdings (décote de holding) pour tenir compte des frais de structure, de la fiscalité latente et du manque de liquidité immédiate des actifs détenus – preuve que l’ANR est l’outil de base dans ces cas de figure.
• Entreprises à forte valeur d’actif et faible rentabilité : Une entreprise peut posséder des actifs significatifs (immobilier, équipements, trésorerie) mais avoir une rentabilité d’exploitation faible ou nulle. Dans ce cas, les méthodes fondées sur les profits (comme les multiples d’EBE ou le DCF) donneraient une valeur très basse, voire nulle, alors que le patrimoine de l’entreprise a de la valeur. C’est typiquement le cas des entreprises en difficultés ou déficitaires, ou des sociétés qui arrivent tout juste à l’équilibre sans plus. La méthode patrimoniale est alors un recours pertinent pour établir une valeur plancher basée sur ce qui est tangible. Par exemple, une PME qui accumule les pertes depuis deux ans pourra malgré tout être cédée sur la base de son actif net (si elle a conservé des actifs cessibles), ce qui intéressera un repreneur en recherche d’actifs ou de capacité de rebond. De même, dans le cadre d’une liquidation judiciaire, c’est la valeur patrimoniale (souvent liquidative) qui est déterminante pour les créanciers.
• Petites entreprises stables, type artisanales ou familiales : Pour une petite entreprise dite “père de famille” – par exemple une entreprise artisanale ou un commerce de proximité qui dégage juste de quoi rémunérer correctement son exploitant – la méthode patrimoniale donne une bonne indication de la valeur. Bpifrance note que dans le cas d’une entreprise artisanale de quelques salariés, avec un parc matériel en bon état et un bénéfice modeste mais régulier, l’ANR fournira la valeur minimale de l’entreprise, à laquelle il s’agira ensuite d’ajouter la valeur de la clientèle . En effet, dans ce type d’affaire, la rentabilité est essentiellement le “salaire” du dirigeant, il n’y a pas de surprofit significatif à valoriser. Le repreneur ne voudra pas payer pour des profits inexistants, mais paiera au moins pour les actifs (matériel, stock, éventuellement locaux) et un complément pour la clientèle établie. L’approche patrimoniale est donc tout à fait adaptée pour des TPE où la valeur de l’actif net constitue l’essentiel de la valeur de cession, le “goodwill” se limitant à la fidélité de la clientèle ou au savoir-faire transmis.
• Fonds de commerce peu rentables ou à forte composante incorporelle : Dans certains commerces ou entreprises de services de petite taille, la rentabilité comptable est faible, mais la valeur de certains éléments incorporels (emplacement, nom commercial, licence, droit au bail) est importante. La méthode patrimoniale permet de valoriser séparément ces éléments. Par exemple, un commerce de centre-ville bien placé mais dégageant peu de bénéfice aura tout de même une valeur, car son droit au bail et son emplacement sont recherchés. L’ANR de ce fonds de commerce intègrera la valorisation du droit au bail, du stock et des aménagements, ce qui donnera une base de négociation. Le repreneur sera prêt à payer au moins la somme de ces actifs pour reprendre l’affaire, même si le résultat actuel est faible, car il espère améliorer l’exploitation. Ce cas rejoint celui de la valeur de remplacement : s’installer dans un local équivalent avec les mêmes agencements pourrait coûter aussi cher que de racheter le fonds existant . Ici encore, l’ANR sert de référence minimale, le surplus éventuel à payer dépendant de l’estimation qu’on fait de la clientèle existante (et de la facilité à la reconstruire de zéro) .
• Valorisation en contexte fiscal ou juridique : La méthode patrimoniale est souvent utilisée comme base dans des contextes fiscaux (évaluation pour l’ISF/IFI, donations, successions) ou des litiges (rachat de parts, divorce impliquant des parts sociales…). La raison est que l’ANR est perçu comme une valeur “objective” et peu contestable car fondée sur des éléments comptables retraités. L’administration fiscale française recommande d’ailleurs une approche multicritère, incluant systématiquement la valeur patrimoniale comme l’une des méthodes de référence . En jurisprudence, on voit fréquemment les tribunaux se référer à l’actif net réévalué pour vérifier qu’une valeur de cession n’est pas dérisoire ou pour calculer des indemnités, notamment lorsque la rentabilité ne reflète pas la valeur réelle des actifs. Par exemple, en cas d’expropriation d’un fonds de commerce ou de retrait d’associé, la valeur patrimoniale peut servir de plancher pour l’indemnisation.
En synthèse, l’approche patrimoniale s’applique bien quand la valeur des actifs prédomine sur celle des résultats. Dès que la capacité bénéficiaire future devient le moteur principal de la valeur, il faut lui adjoindre une méthode de rendement sous peine d’obtenir une estimation partielle.
Exemples concrets d’évaluation patrimoniale
Pour mieux illustrer la mise en œuvre de la méthode patrimoniale, examinons trois exemples concrets d’évaluation par l’actif net réévalué dans des situations différentes.
Exemple 1 : évaluation d’une société holding
Contexte : Considérons une société holding familiale qui détient principalement deux types d’actifs : un immeuble locatif et des participations financières (actions) dans deux filiales opérationnelles. Son bilan au 31/12/N affiche des capitaux propres comptables de 5 M€, correspondant essentiellement à la valeur d’acquisition de l’immeuble (2 M€ nets) et des titres (2,5 M€ nets), plus 0,5 M€ de diverses réserves. La holding a par ailleurs un emprunt bancaire de 1 M€.
Valorisation patrimoniale : On va recalculer l’actif net en valeurs de marché. Une expertise immobilière indique que l’immeuble vaut aujourd’hui 3 M€ sur le marché (+1 M€ par rapport à sa valeur nette comptable). Les participations détenues dans les filiales, non cotées, sont évaluées chacune à 1,8 M€ d’après les multiples observés sur leur secteur (au total 3,6 M€ pour les titres, soit +1,1 M€ de plus que leur valeur comptable) . La trésorerie de la holding est négligeable et on considère qu’il n’y a pas de passifs cachés (pas d’engagements hors bilan significatifs). En retenant ces estimations, l’actif brut réévalué de la holding est de 3 M€ (immeuble) + 3,6 M€ (participations) = 6,6 M€. Le passif exigible étant l’emprunt de 1 M€ (on suppose qu’il n’y a pas d’autres dettes), on obtient un actif net réévalué = 5,6 M€. Comparé aux 5 M€ de fonds propres comptables, la valeur patrimoniale de la holding est donc supérieure de 0,6 M€, reflétant les plus-values latentes sur l’immobilier et les titres.
Analyse : Cette ANR de 5,6 M€ représente la valeur intrinsèque du patrimoine de la holding. En pratique, un investisseur appliquera souvent une décote sur ce montant pour fixer son prix d’achat, afin de tenir compte des coûts et délais pour réaliser ces actifs. Par exemple, on pourra arguer qu’en liquidant la holding, il faudrait payer l’impôt sur la plus-value de l’immeuble et des titres, ainsi que d’éventuels frais de vente, ce qui diminuerait le bénéfice net. De plus, les actifs ne sont pas totalement liquides (il faudrait du temps pour vendre l’immeuble et les titres), ce qui justifie aussi une décote de liquidité . Enfin, la holding a peut-être des frais de structure annuels (comptabilité, juridique) qui viennent grever la valeur. Tous ces facteurs expliquent le phénomène courant de décote de holding, observé notamment en Bourse où les holdings cotées se négocient à des prix inférieurs à leur ANR . Néanmoins, l’ANR reste la base de valeur : ici 5,6 M€. Un acheteur pourrait proposer par exemple 5 M€ en appliquant ~10% de décote. Cet exemple illustre bien la démarche patrimoniale sur une holding : valorisation ligne à ligne des actifs (immeuble, titres) et soustraction des dettes, conformément aux méthodes d’analystes financiers sur ce type de sociétés .
Exemple 2 : évaluation d’une entreprise artisanale
Contexte : Considérons une entreprise artisanale individuelle (ou EURL) de menuiserie. Elle emploie 5 salariés et son gérant-propriétaire. Elle dispose d’un petit atelier en location, avec du matériel et outillage (machines, outils, utilitaire) net comptable de 50 k€, de quelques stocks de bois (15 k€ comptables) et d’une clientèle locale fidèle quoique modeste. Les comptes des derniers exercices montrent un bénéfice annuel moyen de 30 k€, essentiellement retiré par le gérant en rémunération (peu de réserves accumulées). La situation nette comptable est de 80 k€ (principalement du matériel amorti et des stocks, moins quelques dettes court terme).
Valorisation patrimoniale : On évalue chaque poste : les machines-outils, achetées il y a quelques années, pourraient être revendues d’occasion pour ~40 k€ (contre 50 k€ nets au bilan, légère moins-value latente). Le véhicule utilitaire vaut environ 10 k€ (valeur marché) pour 8 k€ net comptable (+2 k€). Les stocks de bois ont vieilli : on estime qu’un quart est inutilisable (déchets, chutes), soit une perte de 3-4 k€. On réévalue donc les stocks à ~12 k€ réalisables. La clientèle n’apparaît pas au bilan, mais on peut considérer qu’un repreneur valoriserait le portefeuille clients et la réputation locale. Cette valorisation est délicate : dans ce métier de proximité, la clientèle tient beaucoup à la personne du gérant, donc un repreneur paiera surtout pour être introduit auprès de ces clients. On peut estimer, par analogie avec les pratiques de cession d’artisanat, une valeur de clientèle égale à environ 6 mois de chiffre d’affaires récurrent. Supposons que cela représente 30 k€.
En faisant la somme : actif réévalué = 40 (machines) + 10 (véhicule) + 12 (stocks) + 5 (divers, outillages mineurs par ex.) = ~67 k€ d’actifs corporels. La trésorerie est négligeable. Il y a peu de dettes (fournisseurs et charges sociales courantes) disons 15 k€. L’actif net corporel serait donc ~52 k€. Ajoutons la clientèle estimée 30 k€ en incorporel. On obtient une valeur patrimoniale globale d’environ 82 k€ pour cette entreprise.
Analyse : Cette valeur d’~82 k€ correspond peu ou prou à la valeur de cession qu’on pourrait attendre pour cet atelier de menuiserie. On remarque qu’elle se décompose en deux éléments : ~52 k€ pour les actifs tangibles (qui correspondent quasiment à la situation nette comptable ajustée) et ~30 k€ pour la clientèle, qui est le goodwill. La méthode patrimoniale a fourni la valeur minimale (les actifs tangibles net de dettes), soit ~50 k€. À cela, le vendeur va tenter d’ajouter un prix pour sa clientèle, tandis que l’acheteur va jauger s’il est prêt à payer ce supplément en fonction de la facilité à conserver/attirer les clients. Ce cas concret illustre ce que Bpifrance décrit : pour une entreprise artisanale stable, la méthode patrimoniale donne la base à laquelle “il ne reste plus qu’à ajouter la valeur de la clientèle” lors de la négociation finale . Si la clientèle avait été inexistante ou entièrement à refaire, le repreneur n’aurait payé sans doute que ~50 k€ (valeur des équipements). S’il y voit un vrai potentiel, il acceptera de monter vers 80 k€. Dans la pratique, de telles affaires se négocient souvent sur des montants proches de l’ANR, car la rentabilité intrinsèque est faible : l’acheteur achète surtout un outil de travail opérationnel (matériels + équipe en place + carnet de commandes en cours) sans surpayer de profits futurs.
Exemple 3 : évaluation d’un commerce parisien à forts actifs incorporels
Contexte : Prenons l’exemple d’un petit restaurant situé à Paris, bien placé dans un quartier fréquenté. Ce restaurant est exploité dans un local loué avec un droit au bail (bail commercial) avantageux restant pour 6 ans. L’établissement possède du mobilier et du matériel de cuisine amortis (valeur nette comptable 50 k€), et a réalisé des travaux d’aménagement récents. Le chiffre d’affaires annuel moyen est de 120 k€, mais le résultat net est faible (proche de l’équilibre). Le bilan au 31/12/2019 affiche un actif brut de 267 k€ et, après amortissements et dépréciations, un actif net comptable de 156 k€, financé par 54 k€ de dettes et 102 k€ de capitaux propres . Ce dernier chiffre (102 k€) représente la valeur nette comptable du fonds de commerce.
Valorisation patrimoniale : Pour obtenir la valeur patrimoniale réelle, on va corriger ce bilan : d’une part réévaluer les actifs, d’autre part incorporer le droit au bail qui ne figure pas au bilan. Dans notre exemple, supposons que le mobilier et matériel de cuisine, bien que partiellement amortis, ont une valeur de marché proche de 40 k€ (sur les 50 k€ nets comptables, une partie est usée). Les travaux d’aménagement récents effectués dans la salle, bien que comptablement amortis partiellement, apportent une plus-value pour un repreneur (il n’aura pas à refaire la décoration). On pourrait estimer ces aménagements à, disons, 20 k€ de valeur actuelle. Les stocks (matières premières) sont négligeables ou consommés. Le droit au bail est l’élément clé : compte tenu de l’emplacement, on évalue que ce droit (la possibilité de reprendre le bail aux conditions actuelles) vaut 30 k€ sur le marché local pour un repreneur. C’est une valeur incorporelle souvent déterminée en fonction du loyer avantageux et de la demande de locaux similaires à louer dans le quartier.
Initialement, le calcul d’ANR avant droit au bail donnait : Actif net comptable = 102 k€, correspondant aux actifs nets (matériel, trésorerie, etc.) moins 54 k€ de dettes . En intégrant nos réévaluations : le matériel est légèrement surévalué au bilan (-10 k€), les aménagements apportent +20 k€, les dettes restent 54 k€. On obtient donc un actif net réévalué hors droit au bail d’environ 112 k€ (soit 102 + 20 – 10, en simplifiant). Ensuite, on ajoute le droit au bail pour 30 k€, qui était totalement hors bilan. La valeur patrimoniale totale du fonds de commerce ressort ainsi à ~142 k€ (112 + 30).
Dans l’article de référence, des chiffres similaires sont obtenus : l’auteur trouvait un ANR de 102 450 € pour ce restaurant, qu’il retraitait en ajoutant 26 000 € de valeur de droit au bail non inscrit au bilan, donnant une valeur patrimoniale finale de 128 450 € fin 2019 . (Nos estimations arrondies diffèrent légèrement mais l’ordre de grandeur est respecté).
Analyse : Cette valorisation patrimoniale de l’ordre de 130 k€ représente la valeur intrinsèque du fonds de commerce du restaurant. Un acheteur qui paierait ce prix acquerrait en fait pour ~100 k€ d’actifs corporels (matériel, aménagement, trésorerie nette) et ~30 k€ d’actif incorporel (le droit de bénéficier du bail existant). Ce montant ne tient pas compte de la capacité bénéficiaire, qui est faible. S’il s’avère que le restaurant n’est pas rentable, 130 k€ serait objectivement un prix plafond (on ne paye pas pour des profits inexistants). À l’inverse, si le repreneur pense pouvoir mieux exploiter l’affaire et dégager du profit, il pourrait consentir un supplément de prix au-delà de l’ANR, correspondant en quelque sorte à la valeur de la clientèle et du potentiel non réalisé. Mais dans une négociation, le vendeur cherchera au minimum à couvrir cette valeur patrimoniale. Ce cas illustre un fonds de commerce à Paris où l’emplacement (droit au bail) a une valeur majeure. Dans nombre de transactions de commerces parisiens, le droit au bail et les éventuels agencements représentent une part substantielle du prix de cession. La méthode patrimoniale locale consiste donc à valoriser ces éléments séparément pour justifier le prix. Par exemple, dans les publications spécialisées (BODACC, barèmes des notaires ou de Francis Lefebvre), on observe souvent que les restaurants parisiens se vendent à x% du chiffre d’affaires, mais corrigé en fonction de l’emplacement et du loyer – ce qui revient à intégrer implicitement la valeur du droit au bail (loyer sous-évalué => prix plus élevé).
On pourrait faire un exercice similaire avec une pharmacie en région parisienne, comme dans l’article cité : leur actif net réévalué intègre la valorisation du stock de médicament, du matériel, et surtout du droit de présentation (clientèle) et des licences. Dans l’exemple étudié, l’auteur calcule une valeur patrimoniale de ~981 000 € pour la pharmacie, puis la corrige à la hausse de 80 000 € pour tenir compte d’aménagements récents non pris en compte au bilan, obtenant ainsi 1 061 243 € de valeur patrimoniale fin 2019 . Cela montre que, même pour des commerces réglementés, l’ANR doit intégrer les investissements immatériels récents pour coller à la réalité.
En conclusion, les exemples ci-dessus démontrent comment la méthode patrimoniale s’applique de façon concrète : en retraitant le bilan comptable et en ajoutant la valeur des incorporels significatifs non comptabilisés, on parvient à une estimation cohérente de la valeur économique du patrimoine de l’entreprise. Cette estimation sert ensuite soit de base de discussion (entre vendeur et acheteur), soit de valeur de référence minimale dans le cadre d’une évaluation multi-critères.
Pratiques 2024-2025 en France et spécificités du marché parisien
Tendances récentes et pratiques professionnelles
En 2024-2025, les praticiens de l’évaluation d’entreprise en France continuent de recommander une approche multicritère pour estimer la valeur d’une société . Autrement dit, la méthode patrimoniale est généralement utilisée en combinaison avec d’autres méthodes (méthodes de rentabilité, méthode comparative) afin d’obtenir une fourchette de valorisation. La doctrine professionnelle dominante – qu’il s’agisse de la Société Française des Évaluateurs (SFEV), de la Compagnie des Conseils et Experts Financiers (CCEF) ou de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) – insiste sur le fait qu’aucune méthode unique ne donne “LA” valeur, et que l’art de l’évaluation consiste à croiser les approches pour converger vers un prix juste. Ainsi, le guide de l’administration fiscale (DGFIP) sur l’évaluation des entreprises (référence pour les experts) préconise depuis longtemps de retenir plusieurs méthodes, dont la valeur patrimoniale, et d’en analyser les résultats . En pratique, même un évaluateur orienté revenus (DCF) calculera souvent en parallèle l’ANR pour s’assurer que le résultat obtenu n’est pas aberrant vis-à-vis du patrimoine de l’entreprise.
Les données conjoncturelles récentes ont un impact sur les valorisations. Avec la remontée des taux d’intérêt en 2022-2023, on observe par exemple une légère baisse des multiples de valorisation par les revenus (les acquéreurs sont plus prudents car le financement coûte plus cher). Dans ce contexte, la valeur patrimoniale retrouve de l’importance comme référence plancher. Les banques, pour accorder des crédits acquisition, regardent de près l’actif net de l’entreprise cible, car c’est une garantie potentielle en cas de difficulté (valeur de revente des actifs). De ce fait, en 2024 il est fréquent que le financement bancaire d’une reprise ne couvre pas la part du prix qui excède largement l’ANR. Les repreneurs doivent apporter davantage de fonds propres s’ils payent une survaleur importante. Ainsi, on constate sur le terrain un certain “réalisme” des valuations : les transactions se négocient rarement très au-dessus de l’actif net réévalué si la rentabilité ne suit pas.
Certaines publications 2024 d’organismes spécialisés confirment ces tendances. Par exemple, Interfimo (organisme financier des professions libérales) note dans son étude annuelle que les prix de cession des pharmacies ont globalement baissé en 2023, les multiples d’EBE se contractant et se rapprochant de la valeur patrimoniale des officines. De même, les baromètres de cession de PME indiquent un recentrage sur des valorisations plus raisonnables, où l’ANR sert de plancher dans de nombreux dossiers, compte tenu de la prudence des investisseurs.
D’un point de vue doctrinal, 2024 n’apporte pas de révolution méthodologique : la Charte d’évaluation (guide de place regroupant les professionnels) réaffirme le rôle de l’approche patrimoniale comme l’un des piliers de l’évaluation, en particulier pour les entreprises à dominante d’actifs. On note toutefois une sensibilité accrue aux actifs incorporels : les experts-comptables et commissaires aux comptes, dans la lignée des normes internationales (norme ISO Valuation, IVSC), tendent à mieux documenter et justifier la valorisation des incorporels dans l’ANR. Par exemple, si une part significative de la valeur réside dans un portefeuille clients ou une technologie, un expert pourra isoler et évaluer spécifiquement cet incorporel (via une méthode d’évaluation d’incorporel dédiée) plutôt que de l’ignorer ou de l’inclure implicitement. Cela reflète l’évolution des outils d’évaluation : on dispose de plus de bases de données et de méthodes pour estimer les actifs intangibles qu’il y a 10 ans.
En matière de jurisprudence récente, plusieurs décisions de cours d’appel en 2023-2024 ont mis en lumière l’usage de la méthode patrimoniale. Par exemple, la Cour d’appel de Paris (arrêt de novembre 2024) a confirmé qu’en matière de pacte Dutreil (transmission d’entreprise), la qualification d’holding animatrice peut influencer la valorisation, mais que la base reste l’actif net réévalué avant application d’une éventuelle décote de holding . Dans d’autres litiges (rachat de minoritaires), les tribunaux ont pu rejeter une estimation purement patrimoniale jugée trop éloignée de la réalité économique, rappelant que l’absence de rentabilité devait conduire à modérer la valeur issue de l’ANR. Ces décisions soulignent que la méthode patrimoniale est bien un passage obligé, mais qu’elle doit être maniée avec discernement selon le contexte de l’entreprise évaluée.
Focus : le marché parisien et l’application locale
Le marché parisien des entreprises et fonds de commerce présente quelques spécificités qui influencent l’application de la méthode patrimoniale. Paris et l’Île-de-France concentrent de nombreux commerces et PME où la part d’actifs incorporels est élevée – en premier lieu, la valorisation de l’emplacement commercial. À Paris, un élément tel que le droit au bail ou le pas-de-porte (indemnité d’entrée dans les lieux) peut atteindre des montants considérables, reflétant la rareté et la cherté des locaux commerciaux. De ce fait, la méthode patrimoniale pour un fonds de commerce parisien accorde une importance majeure à ces actifs incorporels localisés. Comme on l’a vu dans l’exemple du restaurant, oublier de valoriser le droit au bail conduirait à sous-estimer fortement la valeur du fonds . Les experts parisiens sont donc particulièrement vigilants à identifier et chiffrer les éléments incorporels spécifiques : droit au bail, clientèle touristique, notoriété de l’enseigne, licence (par ex. licence IV pour un bar), etc., qui peuvent avoir un marché propre à Paris.
Par ailleurs, le tissu économique parisien comporte de nombreuses entreprises dites “à forte valorisation patrimoniale” – pensons aux sociétés immobilières, foncières familiales, holdings patrimoniales gérant un patrimoine artistique ou immobilier… Paris étant un pôle de richesse, il existe nombre de structures dont la valeur repose avant tout sur des actifs détenus (immeubles de famille, portefeuilles financiers). Pour celles-ci, la méthode patrimoniale est la pierre angulaire de l’évaluation. Les notaires parisiens, lors de successions ou de cessions de parts, utilisent classiquement l’ANR pour évaluer ces sociétés civiles immobilières (SCI) ou holdings familiales, éventuellement ajusté d’une décote pour tenir compte de l’indivision ou du bloc de minorité. Les pratiques professionnelles locales (Chambre des notaires de Paris, experts près la Cour) mettent en avant l’actif net corrigé comme référence, ce qui est cohérent avec la prépondérance d’actifs de grande valeur à Paris (immobilier particulièrement).
Un autre aspect spécifique au marché parisien est l’abondance de données de comparaison pour affiner les évaluations. Par exemple, il existe des barèmes de l’administration (fonds de commerce) par arrondissement, ou des études de la CCI Paris Île-de-France sur les valorisations moyennes de certains commerces (cafés, restaurants, boutiques) en pourcentage du chiffre d’affaires. Ces barèmes – souvent utilisés par les praticiens – ne sont pas directement la méthode patrimoniale, mais ils fournissent un point de repère pour la clientèle et l’emplacement. En général, dans ces références, on suppose implicitement que le prix intègre le droit au bail et les actifs. Ainsi, les notaires parisiens conseillent souvent une approche combinée : valoriser le fonds de commerce par une méthode de rendement (multiple d’EBE ou pourcentage du CA) puis vérifier que le résultat n’est pas incohérent avec la valeur patrimoniale (valeur du bail, stock, matériel). Si un écart important apparaît, il faut le justifier par des éléments spécifiques (prestige de l’emplacement, etc.). On retrouve ici l’idée que la méthode patrimoniale sert de filet de sécurité dans l’évaluation locale.
Enfin, le marché parisien étant très dynamique et concurrentiel, la négociation finale aboutit parfois à des prix incluant une part de survaleur liée à l’intensité de la demande (enchères entre repreneurs sur un commerce bien placé, etc.). Mais même dans ces cas, la surenchère se fait en ayant conscience de la valeur patrimoniale sous-jacente. Un investisseur avisé à Paris ne paiera cher un fonds de commerce que s’il estime que la localisation ou la marque lui conférera un avantage compétitif monétisable (chose qu’un calcul patrimonial ne voit pas directement). À l’inverse, lors de périodes difficiles (par ex. crises sanitaires, attentats), on a vu des fonds de commerce parisiens se vendre parfois en dessous de leur valeur patrimoniale – signe que si la clientèle s’effondre, les actifs seuls ne suffisent pas toujours à maintenir le prix.
En synthèse, la méthode patrimoniale s’applique à Paris comme ailleurs pour établir la valeur des actifs nets, mais son usage local requiert une attention particulière aux incorporels commerciaux et aux dynamiques de marché très locales. Les professionnels franciliens combinent volontiers ANR et autres méthodes, dans un esprit pragmatique : l’ANR fixe le cadre (le socle de valeur des “biens”), tandis que les méthodes de rendement et de marché viennent capturer la valeur de l’“âme” du commerce (sa profitabilité, sa fréquentation, son prestige). Un vendeur parisien aura tout intérêt à mettre en avant la solidité de son actif net (gage de sécurité pour l’acheteur) tout en argumentant sur le potentiel du lieu, et un acheteur fera ses calculs de retour sur investissement sans jamais perdre de vue le plancher patrimonial en dessous duquel une affaire devient une opportunité.