La méthode patrimoniale d’évaluation des entreprises (actif net corrigé) en 2024-2025📞 Besoin d’aide ? Contactez-nous au : 01.76.54.16.42 ☎️

La méthode patrimoniale – également appelée méthode de l’actif net corrigé ou valeur mathématique – est une approche d’évaluation d’entreprise qui consiste à déterminer la valeur de l’entreprise à partir de son patrimoine. Autrement dit, on valorise tout ce que l’entreprise possède (ses actifs) puis on retranche tout ce qu’elle doit (ses passifs exigibles), afin d’obtenir un actif net représentant la valeur intrinsèque de l’entreprise . Cette approche intéresse particulièrement les vendeurs, acheteurs et investisseurs souhaitant une base de valorisation « plancher » fondée sur le bilan de l’entreprise, à compléter ensuite par d’autres méthodes pour approcher le prix de marché futur résultant de la négociation .
En 2024-2025, la méthode patrimoniale reste un outil classique mobilisé par les experts-comptables, notaires, avocats d’affaires et experts judiciaires dans divers contextes : transmissions d’entreprises familiales, évaluations de fonds de commerce, valorisation de sociétés holding ou immobilières, etc. Cet article très détaillé explique le principe de cette méthode, les notions clés à maîtriser (actif brut, passif exigible, actif net comptable, retraitements, survaleur…), donne des exemples concrets d’application, expose ses avantages et limites, et décrit les pratiques actuelles en France – avec un focus particulier sur les spécificités parisiennes (valorisation d’un local en bail commercial à Paris, fiscalité immobilière, primes/décotes urbaines, etc.).
Sommaire
Principe général de la méthode patrimoniale (actif net corrigé)
Principe de base : la méthode patrimoniale vise à évaluer la valeur d’une entreprise en additionnant la valeur de l’ensemble de ses actifs (ce qu’elle possède) et en retranchant la valeur de l’ensemble de ses dettes (ce qu’elle doit). On obtient ainsi la valeur de l’actif net comptable, qui correspond aux capitaux propres de l’entreprise . Formellement :
Actif net comptable = Actif brut – Passif exigible (dettes + provisions)
où l’actif brut désigne la valeur totale des biens de l’entreprise (tels qu’inscrits au bilan, souvent en coût historique amorti), et le passif exigible représente l’ensemble des engagements à honorer par l’entreprise (dettes court, moyen et long terme, ainsi que les provisions pour risques et charges exigibles) . L’actif net comptable ainsi calculé reflète la situation nette comptable de l’entreprise à une date donnée.
Limite du bilan historique : En l’état, ce calcul utilise les valeurs comptables historiques, qui peuvent être très éloignées des valeurs économiques réelles des actifs. En effet, le bilan d’une entreprise reflète généralement le coût d’acquisition des actifs diminué des amortissements ou dépréciations passés, sans tenir compte de l’appréciation ou de la décote potentielle de ces éléments dans le temps . Par exemple, un immeuble acquis il y a 20 ans figure encore au bilan pour sa valeur d’achat amortie, bien inférieure à sa valeur de marché actuelle ; à l’inverse, du matériel informatique obsolète peut être surévalué au bilan par rapport à sa valeur vénale quasi nulle. De plus, certains éléments importants peuvent ne pas apparaître au bilan (engagements hors bilan, actifs en crédit-bail, etc.) ou à l’inverse y figurer sans réelle valeur économique pour un repreneur (certaines immobilisations incorporelles, frais comptabilisés, etc.).
Actif net corrigé (ANC) : Il est donc nécessaire d’ajuster le bilan pour obtenir une image patrimoniale plus fidèle. L’actif net corrigé correspond à l’actif net réévalué de l’entreprise, c’est-à-dire après corrections, retraitements et réévaluations de tous les postes significatifs . On part de l’actif net comptable et l’on applique les principaux retraitements suivants :
Après ces retraitements, on recalcule l’actif net avec les valeurs corrigées de chaque poste. Le résultat est l’actif net corrigé, reflétant la valeur patrimoniale économique de l’entreprise. En formule simplifiée :
Actif net corrigé = Actif net comptable
+ Plus-values latentes sur actifs (immos, stocks…)
– Moins-values latentes sur actifs
+ Actifs hors-bilan à intégrer
+ Dettes/Passifs omis à intégrer
– Actifs sans valeur à éliminer
± Autres ajustements divers
Par exemple, si une PME détient un terrain acheté 100 000 € il y a longtemps, mais dont la valeur actuelle est 300 000 €, le retraitement consiste à ajouter +200 000 € de plus-value latente dans l’actif net corrigé. En revanche, si elle possède des stocks vétustes surévalués de 50 000 € au bilan mais ne valant plus que 20 000 €, on retranchera -30 000 € pour décote de stock. On intégrera aussi, le cas échéant, des engagements non provisionnés (ex : indemnités de licenciement futures estimées 80 000 € : -80 000 €). Une fois tous ces ajustements faits, on obtient un actif net corrigé beaucoup plus proche de la réalité économique.
Survaleur (goodwill) : Jusqu’ici, la méthode patrimoniale “pure” ne prend en compte que les actifs identifiables et valorisables de l’entreprise. Or, une entreprise en activité peut valoir plus que la somme de ses actifs tangibles, notamment grâce à des éléments immatériels non comptabilisés : sa réputation, sa clientèle fidèle, son équipe en place, son savoir-faire, sa marque, son réseau commercial, etc. Ces éléments forment le fonds de commerce immatériel et génèrent des superprofits au-delà de la rémunération normale des actifs tangibles. La survaleur (ou goodwill) est le nom donné à ce supplément de valeur d’une entreprise lié à ces atouts immatériels .
En pratique, la survaleur peut être estimée en combinant l’approche patrimoniale et l’approche de rentabilité. Une méthode courante consiste à capitaliser les superprofits futurs de l’entreprise : on calcule la part de bénéfice annuel qui dépasse la rémunération « normale » des capitaux engagés (c’est-à-dire la rémunération qu’un investisseur exigerait pour un montant égal à l’actif net corrigé, en fonction d’un taux de rendement moyen du marché). Cette part excédentaire de bénéfice est ensuite capitalisée sur une certaine durée (par exemple 5 ans) via un coefficient multiplicateur, pour obtenir une valeur actuelle des superprofits . Ce capital représente la survaleur ou goodwill de l’entreprise . Si l’entreprise ne génère pas de surprofit (voire des sous-performances), la survaleur est nulle ou même négative (badwill), indiquant que l’entreprise vaut moins que son actif net (cas d’une activité déficitaire dévalorisant le patrimoine).
Méthode patrimoniale vs méthode du goodwill : On distingue ainsi la méthode patrimoniale strictement dite – se limitant à l’actif net corrigé (valeur dite d’inventaire) – et la méthode patrimoniale élargie ou méthode mixte, qui ajoute une survaleur pour tenir compte de la capacité bénéficiaire de l’entreprise. Dans le langage des experts, on parle parfois de méthode de l’ANCC (Actif Net Comptable Corrigé) seule, versus méthode de l’ANCC + goodwill. Cette dernière donne une valeur globale se situant logiquement entre la pure valeur patrimoniale et la pure valeur de rendement , puisque elle ajoute une composante de rentabilité à la base patrimoniale.
Résumé des notions clés : Pour clarifier ces termes importants, voici les définitions synthétiques des notions utilisées :
Exemples concrets d’application de la méthode patrimoniale
Pour mieux comprendre comment appliquer la méthode patrimoniale, prenons trois cas de figure contrastés : (1) une PME possédant un important patrimoine immobilier, (2) une société d’exploitation classique principalement évaluée sur sa rentabilité, et (3) un fonds de commerce (petite entreprise commerciale locale). Ces exemples illustrent les modalités de calcul de l’actif net corrigé et ses différences avec la valeur économique effective.
Exemple 1 : PME industrielle avec patrimoine immobilier.
Soit une PME qui exploite une usine et est propriétaire des bâtiments et terrains correspondants. Son bilan comptable présente un actif immobilisé important, amorti depuis des années. Lors de l’évaluation, on constate : le terrain acquis pour 500 000 € en 1995 vaut désormais environ 2 M€ sur le marché ; le bâtiment industriel, amorti comptablement à zéro, a en réalité une valeur vénale de 800 000 € (malgré son ancienneté) ; par ailleurs l’entreprise détient des participations financières mineures inscrites pour 1 € symbolique mais dont la valeur de marché est de 100 000 €. Du côté du passif, on note également la présence d’une plus-value latente significative : si le terrain ou le bâtiment étaient cédés, l’entreprise devrait théoriquement payer l’impôt sur les sociétés sur la plus-value (sauf régime spécifique), générant une fiscalité latente. En appliquant la méthode patrimoniale, l’évaluateur va réévaluer l’actif : +1,5 M€ sur le terrain, +800 k€ sur le bâtiment, +100 k€ sur les participations, etc. L’actif net corrigé de la PME sera donc très supérieur à son actif net comptable de départ. Par exemple, si l’ANC initial était de 1 M€, les retraitements pourraient le porter à ~3,4 M€ (ajout des 2,4 M€ de plus-values latentes). Il conviendra ensuite d’examiner si ces plus-values doivent être ajustées d’un abattement pour fiscalité latente : en pratique, les experts considèrent souvent que pour les actifs indispensables à l’exploitation (ici l’usine en fonctionnement), on n’a pas à déduire la fiscalité latente puisque l’entreprise n’a pas vocation à les vendre immédiatement . En revanche, pour des actifs non stratégiques ou détenus via une holding, on pourra déduire l’impôt latent afin de valoriser l’actif net “net de taxes” pour un repreneur . Dans notre exemple, le bâtiment étant nécessaire à l’activité, on pourrait ne pas tenir compte de l’impôt latent, tandis que pour un terrain ou une participation non indispensable, on l’estimerait et on le retrancherait. Au final, la méthode patrimoniale donnera pour cette PME une valorisation plancher élevée, reflétant la solidité de son patrimoine. Cette approche est d’ailleurs souvent utilisée pour les entreprises patrimoniales ou holdings immobilières, dont la valeur réside principalement dans l’importance des actifs détenus . Notons que si l’on estime que l’entreprise dégage en plus un bénéfice récurrent au-delà de la simple rémunération de ces actifs (cas d’une exploitation rentable), on pourra ajouter une survaleur correspondant à la rentabilité excédentaire (voir plus loin). Mais dans bien des cas, la valeur patrimoniale corrigée constitue la valeur minimale à discuter entre cédant et repreneur .
Exemple 2 : Société d’exploitation classique (PME de services sans actifs significatifs).
Considérons maintenant une entreprise de services (par ex. une agence digitale) qui n’a presque pas d’actifs corporels : elle loue ses locaux, son principal actif réside dans ses ordinateurs et son fonds commercial (clientèle, réputation). Son bilan comptable affiche un actif net modeste (essentiellement de la trésorerie accumulée et du matériel amorti) et des capitaux propres de, disons, 100 k€. Pourtant, l’entreprise est très rentable – elle génère 200 k€ de résultat net par an – et possède un portefeuille clients stable. Appliquer strictement la méthode de l’actif net corrigé conduirait à valoriser la société autour de 100 k€ (en ajustant à la marge quelques postes du bilan, comme éliminer 10 k€ de frais d’établissement sans valeur et réévaluer 5 k€ d’ordinateurs d’occasion : l’ANCC resterait faible, peut-être ~95 k€). Ce montant est dérisoire par rapport à la valeur économique réelle de l’entreprise compte tenu de sa rentabilité. En effet, un acheteur serait prêt à payer bien plus que 100 k€ s’il peut espérer 200 k€ de bénéfices annuels. Ici, la méthode patrimoniale pure n’intègre pas le potentiel économique futur, et se révèle inadaptée seule . Dans la pratique, on va donc compléter l’approche patrimoniale par l’estimation d’une survaleur (goodwill) liée à la clientèle et au savoir-faire. Par exemple, on pourrait estimer que sur les 200 k€ de bénéfices annuels, une part correspond à la rémunération normale des actifs tangibles (mettons 5% de 95 k€ ≈ 5 k€, négligeable dans ce cas), et le reste 195 k€ est un superprofit lié aux facteurs immatériels. En capitalisant ces 195 k€ sur, par exemple, 5 ans avec un taux de rendement de 15%, on obtiendrait une survaleur d’environ 650 k€ (simple illustration). La valeur totale de l’entreprise par une méthode mixte serait alors ANCC (95 k€) + survaleur (650 k€) ≈ 745 k€. Cette valeur reflète mieux le prix qu’un acheteur pourrait proposer. Cet exemple montre que pour les sociétés d’exploitation à forte rentabilité et peu d’actifs tangibles, la méthode patrimoniale seule donne la valeur minimale, et doit être complétée par des méthodes de rendement (EBITDA, DCF…) pour estimer la valeur de la clientèle et du potentiel futur . D’ailleurs, la jurisprudence française rappelle que “le montant de l’actif social n’est que l’un des éléments” pour apprécier la valeur d’une entreprise, sous-entendu qu’il ne suffit pas à lui seul . Une entreprise très prospère avec peu d’actifs vaudra bien plus que son actif net, et inversement une entreprise déclinante avec un gros patrimoine peut valoir moins que son actif net si ses résultats futurs ne permettent pas de rentabiliser ce patrimoine .
Exemple 3 : Évaluation d’un fonds de commerce (petit commerce local).
Le cas d’un fonds de commerce – par exemple un restaurant ou une boutique – illustre la méthode patrimoniale appliquée à une cession d’entreprise individuelle ou TPE. Un fonds de commerce comprend classiquement des éléments incorporels (droit au bail, nom commercial, clientèle dite achalandage, enseigne, etc.) et des éléments corporels (matériel, mobilier, stocks) éventuellement détenus par l’exploitant. Supposons une petite boutique à Paris dont le propriétaire souhaite céder le fonds de commerce. Sur le bilan fiscal de l’entreprise individuelle, on trouve un peu de matériel amorti et du stock, pour une valeur nette comptable totale de seulement 20 000 €. En revanche, la boutique est idéalement située dans un quartier commerçant, avec un loyer ancien très faible comparé au marché (par ex. 800 €/mois alors que le marché locatif pour ce local serait de 3 000 €/mois). La clientèle est régulière et la réputation bien établie dans le quartier. Si l’on se contentait de l’actif net comptable, on valoriserait le fonds ~20 000 € (en reprenant stock + matériel net). Bien évidemment, le cédant en voudra beaucoup plus, car le principal actif du fonds est immatériel : le droit au bail avantageux et la clientèle. Pour évaluer ce type de fonds, les experts et notaires utilisent souvent une approche patrimoniale analytique : ils vont estimer séparément la valeur de chaque composant du fonds de commerce puis faire la somme.
Cet exemple met en lumière que, pour les petits commerces, la méthode patrimoniale revient à évaluer séparément les actifs corporels et incorporels (droit au bail, stock, matériel, etc.) du fonds de commerce. On reconstitue en quelque sorte la valeur de chaque élément du patrimoine cédé. Il s’agit bien d’une approche “patrimoniale”, mais qui inclut explicitement la valorisation d’éléments incorporels majeurs (clientèle, emplacement), sans se limiter aux chiffres comptables. En France, les Chambres de Commerce, notaires et experts spécialisés en évaluations de fonds de commerce recommandent cette méthode multicritère pour approcher au plus juste la valeur, tout en rappelant de rester prudent face aux facteurs d’environnement (arrivée d’un concurrent, travaux de voirie prévus, évolution du quartier…) qui peuvent impacter la pérennité de la clientèle .
Avantages de la méthode patrimoniale
La méthode de l’actif net corrigé présente plusieurs attraits pour les parties prenantes d’une transaction :
Limites et critiques de cette méthode
Malgré ses qualités, la méthode patrimoniale comporte d’importantes limites qu’il faut avoir à l’esprit :
Pratiques d‘évaluation en France en 2024-2025
En France, les experts en évaluation d’entreprise combinent généralement plusieurs méthodes (patrimoniales, comparables, rendement) pour aboutir à une fourchette de valeur. Cependant, la méthode patrimoniale conserve un rôle central dans de nombreux cas d’évaluation en 2024-2025, avec certaines pratiques bien établies :
En résumé, la méthode patrimoniale demeure une brique essentielle de l’évaluation en France, mais elle est presque toujours accompagnée d’autres éclairages. Comme le résume la Cour de cassation, « la valeur vénale [d’une entreprise] ne peut être dégagée que par l’observation du marché et en recourant aux méthodes utilisées par les acteurs », et l’actif net n’en est qu’un paramètre parmi d’autres . Néanmoins, connaître la valeur d’actif net corrigé est indispensable pour asseoir la discussion sur une base objective et pour appliquer, si besoin, les décotes ou primes appropriées.
Focus : particularités pour les entreprises situées à Paris
Paris occupe une place à part dans l’évaluation d’entreprise en raison notamment de son marché immobilier tendu et de la valorisation élevée des emplacements commerciaux. Voici quelques spécificités à considérer lorsqu’on utilise la méthode patrimoniale pour une entreprise ou un fonds de commerce parisiens :
Valorisation du bail commercial et des emplacements parisiens – À Paris, la plupart des entreprises (commerces, restaurants, bureaux de PME) sont locataires de leur local via un bail commercial 3-6-9. La valeur attachée à ce bail – surtout s’il est ancien avec un loyer inférieur au marché – peut représenter une part majeure de l’actif immatériel. Comme vu dans l’exemple du fonds de commerce, la méthode consiste à valoriser ce droit au bail en fonction de l’écart loyer actuel / loyer de marché, capitalisé sur la durée restant du bail ou via un coefficient d’emplacement . À Paris intra-muros, les loyers commerciaux peuvent varier du simple au quadruple selon les arrondissements et rues. Les emplacements N°1 (grandes artères, quartiers touristiques) commandent des coefficients élevés (souvent 8-10, parfois jusqu’à 12 pour les Champs-Élysées ), traduisant une prime d’emplacement très forte. Cela signifie qu’un commerce bénéficiant d’un loyer très en dessous du marché dans ces zones de prestige verra son actif net corrigé majoré d’une survaleur importante au titre du droit au bail. En revanche, dans des emplacements secondaires ou périphériques, le coefficient peut n’être que de 1 à 4, ou même nul si le loyer est déjà au niveau du marché (pas de surloyer potentiel). Pratique parisienne : les notaires et experts parisiens disposent de données locales (grille des valeurs locatives par quartier, transactions récentes de cessions de droit au bail) pour affiner ces évaluations. En 2024, avec la hausse des loyers de marché post-Covid dans certains quartiers prisés (retour des touristes, etc.), on a vu les valeurs de droit au bail repartir à la hausse après un creux en 2020. Les clauses de plafonnement des loyers (indice ILAT) limitent souvent l’augmentation du loyer contractuel en cours de bail, créant un différentiel grandissant avec le marché : cela augmente mécaniquement la valeur du droit au bail pour le locataire en place. Ainsi, intégrer correctement ce paramètre est crucial dans l’évaluation patrimoniale d’un fonds de commerce parisien.
Valorisation de l’immobilier d’entreprise à Paris – Si l’entreprise est propriétaire de ses locaux à Paris, l’évaluation patrimoniale doit tenir compte du marché immobilier parisien, parmi les plus chers d’Europe. Par exemple, une PME propriétaire de bureaux dans le Marais ou d’une boutique dans le Quartier Latin aura une plus-value latente conséquente sur son bilan. Les experts immobiliers utilisent à Paris la notion de “valeur vénale libre” ou de capitalisation du loyer de marché pour estimer le prix d’un local. Les taux de capitalisation (rendement immobilier) en 2024 pour les commerces parisiens prime peuvent être autour de 3-4%, impliquant une valorisation ~25 à 30 fois le loyer annuel. Cela se répercute en actif net corrigé élevé pour la société propriétaire. À l’inverse, si le local est occupé par un locataire avec un bail ancien très protégé, l’immeuble peut être valorisé occupé avec un rendement plus élevé (donc valeur plus basse) à cause du loyer bridé. L’emplacement géographique précis dans Paris influe via des primes urbaines : proximité d’un métro, quartier d’affaires ou touristique, attractivité commerciale de la rue, etc., tout cela peut justifier d’appliquer soit une prime (valorisation majorée) soit une décote (si par ex. le local est dans une rue en déclin ou en travaux prolongés). En pratique, pour l’ANCC, on prendra la valeur vénale estimée net de frais de vente (les frais de notaire et d’agence, ~7-8%, seraient déduits si on raisonne en net vendeur). On examinera aussi la fiscalité latente : à Paris, les plus-values immobilières des sociétés sont soumises à l’IS 25%, ce qui peut représenter un gros montant vu l’augmentation historique des prix. Pour une valorisation plus fine, certains experts imputent cette fiscalité latente (surtout si l’immeuble est non indispensable à l’activité, comme un appartement loué accessoirement) . D’autres estiment qu’une entreprise qui garde son local pour exploiter n’a pas à subir cette décote fiscale dans la valorisation courante – sauf si on anticipe une cession de l’immobilier séparée.
Prise en compte de la fiscalité locale et des réglementations – Paris a des particularités fiscales qui peuvent impacter l’évaluation patrimoniale : par exemple la taxe sur les bureaux en Île-de-France (TSB) qui concerne les surfaces de bureaux et commerces (montant forfaitaire au m² chaque année) alourdit les charges d’une société immobilière et peut diminuer un peu la valeur nette de l’actif (via une provision pour charge future éventuellement capitalisée). De même, le régime des baux commerciaux urbains impose parfois des investissements à la charge du propriétaire (rénovation de façade selon le PLU, etc.) que l’évaluateur intègrera en passif éventuel. Par ailleurs, lors d’une cession de fonds de commerce à Paris, les droits d’enregistrement (droits de mutation) s’élèvent à 5% environ au-delà de 200 000 € de prix – un coût que l’acheteur doit payer en sus. Même si cela ne change pas la valeur de l’actif net du fonds, c’est un élément de négociation sur le prix net vendeur (un acquéreur cherchera à négocier à la baisse en anticipant ces 5% de frais). Les notaires parisiens veillent aussi au statut du bail (par exemple, un bail précaire ou arrivant à échéance sans droit au renouvellement garanti va diminuer la valeur du fonds, car le repreneur prend un risque sur la pérennité de l’emplacement). Ce type de décote liée à la durée restante du bail ou aux clauses contractuelles spécifiques (plafonnement du loyer de renouvellement, clause recette, etc.) est particulièrement examiné à Paris où les baux commerciaux sont un enjeu majeur de valeur .
Décotes ou primes “urbaines” spécifiques – Le marché parisien peut justifier certaines décotes/primes rarement appliquées ailleurs. Par exemple, la prime de rareté : une entreprise possédant un actif unique en son genre à Paris (emplacement exceptionnel, bien patrimonial classé, licence très convoitée) pourrait voir son actif net valorisé avec une prime car les acquéreurs seront prêts à surpayer pour cet atout qu’ils ne pourraient pas obtenir autrement. Inversement, une décote environnementale peut être envisagée dans un contexte urbain (pollution du site, normes anti-pollution coûteuses à respecter à Paris, restrictions de circulation qui pénalisent un commerce, etc.). De plus, Paris étant un marché très liquide pour l’immobilier et les commerces, l’absence de décote de liquidité est la norme (on considère qu’on pourra revendre aisément). Cependant, pour de très grosses valeurs, une légère prime de contrôle peut exister : acquérir un ensemble immobilier entier à Paris confère un pouvoir (développer, restructurer) qui peut justifier un prix supérieur à la somme des lots pris isolément.
En résumé, l’application de la méthode patrimoniale à Paris requiert un affinage des évaluations des actifs immobiliers et incorporels, en intégrant le contexte local : valorisation du droit au bail selon l’emplacement, estimation précise des valeurs immobilières avec prise en compte des spécificités fiscales (IS, droits de mutation, taxes locales), et appréciation des facteurs de marché parisiens (rareté, prestige, risques urbains). Pour le reste, le calcul de l’actif net corrigé suit les mêmes principes qu’ailleurs. Simplement, les montants en jeu peuvent être significativement plus élevés du fait de la cherté de l’immobilier et du poids de la clientèle locale, ce qui renforce l’importance de bien traiter la survaleur liée à l’emplacement. Les professionnels parisiens de l’évaluation (notaires, experts immobiliers, cabinets spécialisés) publient régulièrement des barèmes et analyses pour guider ces valorisations spécifiques, ce qui permet en 2024-2025 d’avoir des références solides pour objectiver les primes et décotes urbaines à appliquer.
Conclusion
La méthode patrimoniale d’évaluation – ou méthode de l’actif net corrigé – reste en 2025 un pilier de l’analyse de la valeur d’une entreprise ou d’un fonds de commerce. Elle offre une approche rigoureuse et tangible : celle de l’inventaire économique du patrimoine, fournissant un plancher de valorisation en s’appuyant sur le bilan retraité. Pour les vendeurs, c’est souvent un gage de ne pas brader une affaire en dessous de la valeur de ce qu’elle possède. Pour les acheteurs, c’est un moyen de vérifier qu’ils ne surpayent pas des actifs fictifs ou surestimés. Et pour les investisseurs, c’est un indicateur de la solidité intrinsèque, en complément des indicateurs de rentabilité.
Cependant, comme on l’a souligné, cette méthode ne doit pas être utilisée isolément pour fixer le “juste prix” d’une entreprise en activité. Sa force (simplicité, objectivité) est aussi sa faiblesse (statiques, incomplète sur le futur). Les praticiens l’emploient donc toujours en combinaison avec d’autres approches (méthodes comparables, méthodes fondées sur les flux ou les résultats) afin d’avoir une vision à 360° de la valeur. La méthode patrimoniale trouve particulièrement tout son sens pour valoriser des entreprises à fort patrimoine (immobilier, financiers) ou pour évaluer des actifs isolés (fonds de commerce, actifs incorporels spécifiques), mais doit être nuancée par l’examen de la rentabilité dès que l’on estime une affaire destinée à perdurer.
En France, l’environnement juridique et fiscal autour de l’évaluation d’entreprise a évolué pour encourager ces approches multicritères. Les sources expertes (notaires, experts-comptables, guides fiscaux) insistent sur la nécessité de ne pas s’arrêter à l’actif net . Néanmoins, connaître précisément la valeur de l’actif net corrigé demeure un prérequis fondamental de toute négociation sérieuse, ne serait-ce que pour servir de base négociable : généralement, le prix final d’une PME ou d’un commerce se situera au-dessus de l’actif net (en y ajoutant une fraction de survaleur pour la clientèle) sauf si l’entreprise est peu rentable ou en difficulté, tandis qu’un prix très supérieur à l’actif net doit être justifié par des perspectives de profits élevées.
Ainsi, vendeurs, acheteurs et investisseurs ont tout intérêt à maîtriser la logique de la méthode patrimoniale. C’est un instrument d’analyse financière rigoureux, qui, lorsqu’il est combiné à l’étude du potentiel économique, permet de parvenir à une fourchette de valorisation équilibrée. En 2024-2025, dans un contexte de marchés incertains, cette double approche “patrimoine et performance” est plus que jamais de mise pour évaluer au mieux les entreprises et fonds de commerce, à Paris comme dans toute la France.
Sources : Bpifrance Création (guide repreneurs) ; Impôts.gouv (guide évaluation fiscale) ; CCI Paris-IDF (évaluation fonds de commerce) ; Doctrine/AJDI (jurisprudence baux commerciaux) ; Extraits de jurisprudence et pratiques professionnelles 2024.